En cette période de crise, nous avons posé une question simple à Monsieur le Député européen Alain Lamassoure: Quel plan de relance pour l'Europe?
La
question ne se pose plus dans ces termes. Dans la crise économique très
grave dans laquelle est plongée désormais le monde entier, il faut
distinguer trois problèmes, correspondant à trois phases.
L’urgence absolue, c’est la crise bancaire, toujours non résolue. Non seulement l’incendie n’est pas éteint, mais il n’est pas même circonscrit : chaque semaine apporte son lot de nouveaux gouffres, béants dans les comptabilités des plus gros établissements mondiaux. Les banques doutant de la solvabilité les unes des autres, la circulation du crédit reste paralysée. Au point que, après s’être substituées au marché monétaire pour couvrir les besoins des banques, les Banques centrales se substituent maintenant aux banques pour prêter directement aux entreprises industrielles ! Ce qui veut dire que, six mois après la faillite de Lehman Brothers, on en est encore à du « sauve qui peut » ! L’ « obamamania » encore vive en Europe a occulté chez nous le grave échec du plan de sauvetage financier lancé par la nouvelle administration américaine : la confiance des marchés reste à rétablir. Priorité absolue doit être donnée à la détection et au confinement des créances toxiques qui polluent partout les bilans des banques. Leur neutralisation est la clef du redémarrage du crédit mondial. Les Européens devraient plaider fortement en ce sens lors du sommet du G20, en y ajoutant évidemment des propositions de régulation monétaire internationale indispensables pour donner à la confiance un caractère durable.
Second niveau, le soutien de « l’économie réelle », étranglée par l’assèchement général du crédit. Les commentateurs se désolent que chaque pays européen ait adopté son plan national de relance, au lieu de présenter un plan européen commun. Mais comment pourrait-il en être autrement aujourd’hui ? Les budgets nationaux additionnés représentent vingt fois le minuscule budget de l’Union. Ces budgets sont votés par les Parlements nationaux, qui n’ont de comptes à rendre qu’à leurs électeurs nationaux – dès septembre prochain en Allemagne. La situation et les possibilités des Etats sont très différentes. Ce qu’on peut attendre de l’Europe aujourd’hui, c’est très exactement ce qu’elle a fait : coordonner ces plans nationaux, de manière à éviter les contradictions entre eux, s’assurer que les aides d’Etat ne faussent pas la concurrence en faveur des producteurs locaux, et maximiser les effets techniques et psychologiques de ces plans additionnés. Au total, la contribution des budgets européens au soutien de la demande (consommation et investissement) représente 4% du PIB européen. La réalité est que la plupart des pays sont allés désormais à l’extrême limite du raisonnable en matière d’endettement public : aller plus loin serait courir le risque de voir des Etats menacés de faillite financière, comme une vulgaire banque d’affaires américaine, un danger qui ne menace pas seulement la malheureuse Islande ou la petite Lettonie…
En même temps, personne ne peut contester que la riposte aurait été plus efficace si l’Europe elle-même avait disposé de sa propre force de frappe budgétaire. C’est sur ce sujet que j’ai travaillé depuis quatre ans au Parlement européen, à la recherche de ressources financières nouvelles susceptibles d’être affectées à l’Union. Le dossier a suffisamment avancé pour pouvoir être ouvert pendant la législature prochaine.
Le troisième niveau, ce sera la sortie de crise et les mesures d’assainissement et de modernisation à engager pour éviter son renouvellement et redonner une pleine compétitivité aux secteurs malades : les banques, bien sûr, mais aussi l’industrie automobile, dont la crise n’a fait que révéler les surcapacités de production dans le monde occidental. Le secteur financier et l’industrie automobile – et l’immobilier en Espagne, en Irlande et au Royaume-Uni – auront besoin d’une restructuration vigoureuse, comportant des fermetures de sites et de fortes réductions d’emplois. Une opération vérité comparable à ce que l’Europe a su faire pour sa sidérurgie dans les années 80. Mais avec une différence majeure : à l’époque, le traité CECA donnait à la fois à la Communauté européenne une pleine compétence et les moyens financiers adéquats. Il n’en est rien pour les secteurs à traiter aujourd’hui. Il est trop tôt pour évoquer ce sujet dans le débat public, alors même que nous n’avons pas touché le fond de la crise, mais il n’est pas trop tôt pour commencer d’y travailler à l’échelle européenne. Car il sera infiniment plus difficile de se mettre d’accord sur la réduction de capacités de production que de fermer les yeux sur les secours d’urgence type SAMU financés par la planche à billets.
L'Atelier
Europe remercie chaleureusement Monsieur le Député européen pour sa
participation aux Lundis de l'Europe, ainsi que pour sa disponibilité
et l'aide qu'il lui apporte.
Nous vous invitons à le retrouver sur son site.