D’un côté, la profondeur de la crise financière a entraîné l’apparition d’une crise économique d’une ampleur et d’une ténacité plus importante que prévue par les économistes. De l’autre, la fragilité politique, due entre autre au passage de relais de la présidence de l’Union encore trop rapide, a entraîné des difficultés à coordonner les institutions et leurs moyens pour faire face aux besoins européens pour la relance. Aujourd’hui, nous sommes confronté à la mise en place de plans nationaux pour permettre une relance économique à l’échelle européenne, qui réponde rapidement et efficacement à des besoins nationaux et qui soit adaptée à chaque secteur. Certaines de ces mesures nationales seront concertées et/ou coordonnées.
Contexte
La
crise financière a été suspendue en Europe le 13 octobre 2008, à la
suite de l’annonce des plans d’action nationaux des Etats de l’union,
faisant suite à une concertation de l’Eurogroupe (Ministres des
Finances de la zone euro), et faisant état principalement de
recapitalisations des banques et d’une garantie des prêts
interbancaires par l’Etat. La rapidité et l’ampleur de cette annonce
ont respectivement apaisé les marchés et remis en cause la confiance entre les acteurs de la vie économique.
En
effet, les banques, ne savant plus jusqu’où s’élève l’implication de
leurs homologues dans la détention directe et/ou indirecte de titres
toxiques, ne prennent plus le risque de prêter, ou très peu. Les prêts
interbancaires sont encore aujourd’hui bloqués à 80%. Les flux de
liquidité, déjà intoxiqués, sont en état de coagulation. Et c’est bien
l’économie qui en pâti.
De nombreux indicateurs économiques,
tels que la valeur des matières premières, la consommation des ménages,
étaient déjà anormalement très volatils pendant la crise de liquidité (été 2007) puis lors de la crise financière
(août-septembre 2008). Ces deux crises n’ont fait qu’amplifier le
phénomène de la crise économique qui pointait déjà depuis quelques
mois.
Aujourd’hui le système économique est bloqué :
les risques n’étant pas tous identifiés, la défiance est de mise et
entraîne un manque de fluidité des liquidités. Ce manque de fluidité
des liquidités entraîne des carences au bon fonctionnement de
nombreuses entreprises. Ces dernières, qui fonctionneraient sur la base
d’un passif conséquent et/ou de peu de stocks, ont un manque de
visibilité dans leur plan de développement, ne serait-ce qu’à moyen
terme. Ceci a pour conséquence l’obligation d’adaptation de leurs
prévisions et l’imposition de limites des risques liés aux coûts de
fonctionnement traduits, entre autre, par des plans de chômage partiel
voire de licenciements.
Contre cette fatalité, chaque État de l’Union européenne cherche un remède spécifique,
d’une part à cause d’un tissu économique propre à chaque État
(agricole, industriel ou tertiaire) et d’autre part, du fait d’un
comportement particulier de la population face à la crise pour chaque
état.
Ceci étant, un élément non négligeable est à prendre en compte pour cette crise : l’échelle internationale.
Certains volets des plans de relance devront être concertés, selon le
secteur d’activité par exemple, et les outils à disposition pourront
être européens voire mondiaux.
Avant de savoir quels outils sont
à la disposition de chacun des États de l’Union, il est intéressant de
s’attarder sur leurs chiffres économiques afin de connaître la marge de
manœuvre financière et les atouts économiques de certains d’entre eux.
Marge de manœuvre des États de l’Union
La balance commerciale et les réserves monétaires
Avec le premier rang des exportations au monde et une balance commerciale largement positive (même si elle a diminué depuis), l’Allemagne possède certainement le levier le plus solide pour une relance économique. Certains pays de l’Union, comme la France, n’ont pas hésité à faire appel à elle pour jouer le rôle de moteur de la relance économique européenne.
L’Allemagne encore, comme la France et l’Italie ont historiquement des réserves en or importantes. Ces pays ont un poids décisif dans les décisions pour la zone euro et leurs réserves leur permettant une certaine latitude dans la gestion de leur dette publique par l’émission de bonds du Trésor fiables donc pouvant être sur du long terme et apportant une rémunération non négligeable. Pour ce qui est de la Pologne (cf tableau ci-dessus), les réserves importantes sont des réserves en USD qui datent de liens historiques avec les États-Unis.
Dette publique
Concernant la dette des pays de l’Union, on peut constater que la moitié des pays de la zone EURO, qui comprend 16 pays depuis le 1er janvier 2009, a une dette publique supérieure aux 60% du PIB (critère de stabilité de Maastricht). Et parmi ces 8 pays, on peut compter l’Allemagne, la France et l’Italie. D’où la difficulté d’une relance par une souplesse budgétaire dans chacun de ces pays.
Pour mieux comprendre, si l’administration publique française était soumise aux mêmes critères de mesure de l’endettement qu’une entreprise privée, à savoir le ratio dette sur chiffre d'affaires, elle serait considérée comme trop endettée, puisque le ratio dette sur dépenses publiques dépasse actuellement les 120 %. Cependant, étant donné les moyens de coercition de l’État et sa capacité à lever de nouveaux impôts, les agences de notation estiment que le risque de défaut sur la dette publique en France est minime. Par ailleurs l'État français n'a pas fait défaut sur sa dette depuis 1796.
Ceci étant, l’État français n’est pas prêt à lever de nouveaux impôts pendant cette période de crise économique. Il faudra donc remettre à 2012 l’objectif de baisse de la dette publique française en dessous du critère de Maastricht (60%), ce qui n’est pas du goût de la Commission européenne qui surveille le déficit public et l’évolution de la dette des pays membres, et pourrait engager une procédure pour endettement et déficit excessif à l’encontre de la France, entre autres pays.
Secteurs économiques
Enfin, et c’est certainement ce qui rend si difficile la mise en place d’un plan de relance à l’échelle européenne, nous pouvons constater que l’Agriculture est encore un bon moteur de l’économie de pays comme la Roumanie, la Bulgarie ou la Lituanie. Que l’Industrie est le fleuron de pays comme l’Allemagne, la République Tchèque ou encore la Slovénie. Et que même si tous les pays de l’Union ont une économie majoritairement tertiaire, les pays comme l’Angleterre, la France, le Luxembourg, Chypre et Malte ont particulièrement développé leurs services. Difficile donc de faire un plan de relance européen adapté à chacun de ces groupes de pays en tenant compte de la prépondérance de l’un ou l’autre des secteurs économiques pour chacun d’eux. D’où la nécessité de plans nationaux.
Pour autant, quels sont les outils nationaux, européens ou internationaux à disposition des pays de l’Union pour cette relance.
Les outils à disposition pour la relance
Plusieurs outils sont à la disposition de l’Europe, des États de l’Union et des entreprises internationalisées pour stabiliser le système financier, permettre de faire face à la crise économique et trouver le chemin de la relance.
À l’échelle européenne :
• La Politique monétaire de la Banque Centrale Européenne (BCE) a permis de stabiliser le système bancaire afin de préserver la disponibilité du crédit pour les entreprises et les ménages à des taux abordables. En effet, la Banque centrale a du faire face tout d’abord à la crise de liquidité en injectant massivement du cash sur le marché financier dès la mi-2007. Elle a ensuite du gérer les tensions inflationnistes de l’été 2008 en augmentant son taux directeur. Elle a enfin du faciliter l’accès à la liquidité aux banques privées en accordant un accès illimité à la liquidité de la banque centrale à un coût de plus en plus faible (retour de la baisse du taux directeur). Il faut savoir que le système bancaire de la zone Euro est très important pour les financements externes. En effet, à la différence de la structure financière des États-Unis, le système financier de la zone Euro s’appuie essentiellement sur l’encours de crédits issus des banques et non issus de la titrisation. De ce fait, pour continuer de garantir aux entreprises et aux ménages un accès normal au crédit dans la zone Euro, la BCE a du essentiellement assurer un niveau adéquat de liquidité au système bancaire.
• L’Union européenne a voté le 10 mars dernier une baisse du taux de la TVA autorisé pour un certain nombre de professions comme la restauration, le secteur de l’immobilier (rénovation et construction de logements), les services à la personne (enfants et handicapés, personnes âgées) et les services de prestation locale (salons de coiffure, maroquinerie, réparations de vélos, mercerie, cordonnerie) pour permettre de nouveau emplois dans ces professions de service.
• La Banque Européenne d’Investissement (BEI), qui certes a une maigre capacité d’emprunt sur les marchés financiers, offre malgré tout la possibilité d’investissement dans des projets européens et a aussi été sollicitée pour venir en aide aux PME.
• Plan européen coordonné pour l’automobile ? Le commissaire européen à l'industrie, Günter Verheugen, a exclu jeudi 5 mars 2009 un plan européen de sauvetage du secteur de l’automobile. « L'Europe n'a ni les ressources budgétaires, ni les instruments pour mettre en oeuvre une telle politique », a-t-il dit. « Nous n'avons plus les instruments qui ont été utilisés pour restructurer la sidérurgie dans les années 1980, comme la fixation des prix, les quotas et les subventions massives », a estimé M. Verheugen. En outre, il n'y a « absolument pas d'argent dans le budget communautaire » pour un plan de ce genre, a-t-il ajouté. Les responsables politiques doivent mieux expliquer aux citoyens « pourquoi on dépense des milliards dans le secteur financier et pas dans les petites entreprises », a poursuivi le commissaire, en soulignant que la faillite de certaines banques ébranlerait toute l'économie. Par contre, « il n'existe aucune entreprise du secteur productif dont la faillite provoquerait un effondrement de l'économie ».
Voici donc les limites de l’outil européen : pas assez de ressources financières à l’échelle européenne et obsolescence d’instruments européens pour la restructuration d’un secteur de la production industrielle. Quels sont donc les outils nationaux qui pourraient se substituer à ces manques.
À l’échelle nationale
• Pour ce qui est du soutien au secteur financier, un plan d’action concerté a été proposé le 13 octobre 2008. Ce dernier a été mis en place à l’échelle nationale. En effet, chacun des pays membres de la zone Euro s’est engagé à mettre en œuvre son propre plan d’action en fonction de sa situation et des moyens qui lui sont propres. L’engagement de l’État français est de 360 milliards d’euros, celui de l’Allemagne 480 milliards d’euros et celui du Royaume-Uni 382 milliards d’euros.
• La relance par le déficit budgétaire est un des principaux outils d’un État pour stimuler la demande interne avec des résultats rapides. Pour des pays comme le Japon ou les États-Unis, dont les marges de manœuvre de leur politique monétaire sont devenues presque nulles (taux de leur banque centrale proche de zéro), il reste la relance budgétaire, jadis proscrite par les économistes mais qui peut–être financée, entre autre, par une balance commerciale positive. Sont appelés à faire jouer leurs marges de manœuvre budgétaires les grands exportateurs mondiaux comme la Chine, le Japon ou encore l’Allemagne et les Pays Bas en Europe. Les dirigeants retrouvent les vertus d’une relance keynésienne mondiale. Pour la France, l’incidence budgétaire du plan de relance se traduira par une dégradation du déficit budgétaire de l’État en 2009 de 22 Md€ (19 Md€ hors dotation au Fonds stratégique d’investissement). L’effet du plan de relance sur le déficit devrait être limité à environ 1 Md€ en 2010.
• Investissement dans des projets d’envergure qui mobilisent des emplois durables et qui soutien certains secteurs d’activité. La recette n’est pas neuve et a déjà fait ses preuves : il s’agit une politique de grands travaux pour relancer l’activité. L’Élysée a ciblé quatre grands axes : les infrastructures, l’enseignement supérieur, les équipements de défense et de sécurité et le patrimoine. Le Président a insisté sur le projet du TGV : «Entre 2010 et 2014, c’est quatre lignes de chemin de fer à grande vitesse qui seront construites en parallèle.»
• Contrairement au secteur bancaire et de la santé aux États-Unis, la France n’a pas fait appel à l’outil de nationalisation d’entreprise pour faire face à la crise à ce jour. Elle a tout de même octroyé des prêts conséquents aux banques dans le but de les recapitaliser partiellement.
• Suppression d’impôts. Pour aider les ménages à faire face à la crise, le gouvernement envisage deux solutions : la suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu, et l'annulation du paiement du 2ème tiers provisionnel pour les 2,1 millions de foyers fiscaux de la 1ère tranche.
• Le régime micro-entreprise permettant une fiscalité forfaitaire réduite, le régime micro-social qui permet d’appliquer un taux unique de cotisation sociale patronale (depuis le 01 janvier 2009) et encore le statut d’auto-entrepreneur facilitent les créations d’entreprises et leur gestion.
Enfin, quelles sont les armes des entreprises pour faire face à cette crise économique.
À l’échelle de l’entreprise
• On retrouve le traditionnel regroupement, l’union faisant la force face aux difficultés. Cette fois pourtant, la solution privilégiée est le mariage (Banque Populaire et Caisses d’Epargne), moins coûteux que les fusions ou acquisitions en forte baisse en 2008 (-29%).
• Investir dans l’innovation peut être une solution pour les entreprises de retrouver le consommateur dans les secteurs de l’automobile, l’énergie, les technologies de l’information.
• Le marketing est devenu une arme puissante pour une entreprise pendant la période de crise économique, permettant de trouver un nouveau positionnement de la marque ou du produit et de se démarquer face à la concurrence dans un contexte de baisse de la consommation.
• Enfin, des solutions temporaires de solidarités voient le jour en cette période de crise, comme la consommation des stocks de produits dans certaines entreprises industrielles ou bien l’autofinancement du chômage partiel par une entraide salariés-cadres ou encore le prêt temporaire d’employés rendus inactifs à une autre entreprise.
Le principal moteur de ces entreprises est le retour à la créativité pour trouver de nouvelles stratégies ou développer de nouveaux produits. Mais finalement, les plans de relance proposés privilégient-ils le retour de la consommation ou bien l’investissement dans de grands projets ?
Plan de relance par la consommation ou par l’investissement
L’Allemagne :
Le premier état de l’Union à présenter son plan de relance est l’Allemagne, le 5 novembre 2008, après un soutien massif au secteur financier de près de 500 milliards d’euros. Ce plan de relance de 23 milliards d’euros sur 4 ans ne sera finalement qu’une première étape de son plan de relance économique global, première étape qui vise à soutenir la consommation, les entreprises par des allègements fiscaux et les PME par l’octroi de prêts. Dès le 13 novembre 2008 le « comité des sages », conseillers du gouvernement allemand, plaident déjà pour des mesures financières plus profondes par des investissements de long terme comme l’investissement dans les infrastructures routières et l’éducation. L’Allemagne prônerait donc pour une relance mixte par la consommation et l’investissement dans des projets long terme.
L’Union européenne :
Ce n’est que le 26 novembre qu’un plan européen est adopté par la Commission européenne pour un montant de 200 milliards d’Euros. Il s’agit de « proposer une gamme d'outils aux États membres. Les mesures qui sont mises en oeuvre par les Etats membres n'ont pas lieu d'être identiques mais elles doivent être coordonnées » a déclaré José Manuel Baroso, Président de la Commission européenne. Cependant, le budget européen ne peut fournir qu’une contribution modeste, même s’il est encore temps de réaffecter les crédits non utilisés de ce budget européen pour le financement de projets d’innovation. De plus, de nombreux états comme la Grande Bretagne, la France ou encore l’Espagne ont d’ores et déjà leur déficit qui se creuse au-delà du critère de Maastricht de 3% du PIB.
L’Allemagne donne donc le « la » des annonces des plans de relance. Ainsi le 21 novembre, les Pays-Bas annoncent un plan à hauteur de 1% de leur PIB basé principalement sur la relance par la consommation (allègements fiscaux des ménages). Le 24 novembre, la Grande Bretagne annonce un plan complet proposant la baisse de la TVA, l’allègement aux ménages, le déficit budgétaire et des mesures ciblées en faveur des PME, de l’automobile et du transport aérien. Le 28 novembre c’est l’Italie qui annonce un plan de grande ampleur (80 milliards d’euros) mais qui sera essentiellement basé sur la réallocation de ressources déjà programmées et sur des contributions privées. Ensuite ce sont la Belgique et le Portugal qui annoncent leur plan respectivement le 11 et le 13 décembre, chacun basé sur des aides au financement pour les entreprises et les PME, le soutien au pouvoir d’achat et à l’emploi et l’investissement dans la croissance durable.
La France :
Pour ce qui est du plan de relance français, le Président fut clair, le 4 décembre 2008, en disant que « la réponse à la crise est l’investissement, parce que c’est la meilleure manière de soutenir l’activité pour sauver les emplois d’aujourd’hui ». Le plan accorde une priorité au logement et à l’automobile. Les 26 milliards d’euros annoncés seront utilisés, entre autre, sous forme de primes à la casse pour les voitures de plus de 10ans, pour le doublement du prêt à taux zéro ou encore pour un programme de 70 000 logements sur 2009-2010. Le président souhaite aussi accélérer les grands chantiers en cours comme celui des 4 lignes de TGV, et souhaite une augmentation des investissements des sociétés françaises à fort capitaux de l’Etat comme EDF, La Poste, la RATP ou encore la SNCF.
Nous sommes encore loin des 825 milliards de dollars du plan de relance Américain, mais les contraintes monétaires et la volonté de relance sont bien différentes entre les deux continents.
Les limites des plans nationaux de l’Union
Pour conclure, on peut noter certes une efficacité et une adaptation des plans nationaux aux besoins domestiques, mais il faut aussi noter l’apparition d’un protectionnisme renforcé ou passager dans certains pays comme la France pour le secteur de l’automobile. Or, l'Europe s'est construite sur le projet central du marché unique, laissant les capitaux, les personnes et les entreprises circuler librement et la politique de concurrence communautaire réguler les aides d'Etat afin de sauvegarder la cohérence de ce marché unique.
On peut voir aussi la difficulté avec laquelle de grands projets comme celui du soutien de l’industrie de l’automobile met en avant les désaccords politiques et stratégiques, les différences de rythme de relance ou encore la désunion entre pays membres.
C’est ce manque d’homogénéité au sein de ce marché unique, au sein de cette Union, au sein de cette crise qui décrédibilise et affaibli l’Europe sur la scène commerciale internationale face à des poids lourds comme la Chine, l’Inde, le Brésil ou encore les Etats-Unis dans une autre mesure.