L’Atelier Europe a été reçu, vendredi 22 octobre, par Fabian Zuleeg, économiste en chef au European Policy Centre, un des principaux centres d’études et de recherches sur l’Union européenne, basé à Bruxelles.
L’entretien a porté sur la situation économique de l’Europe et les remèdes de long terme à la crise.
M. Zuleeg identifie trois tendances lourdes pesant sur les perspectives économiques de l’Union européenne: la démographie, orientée vers une diminution croissante de la part de la population active dans la population totale; la productivité, qui stagne en comparaison des autres puissances économiques mondiales; et les comptes publics, structurellement déficitaires.
Le redressement des comptes publics s’impose aujourd’hui comme la première priorité pour les pouvoirs publics européens. Mais il importe en outre que les dépenses publiques privilégient les secteurs les plus dynamiques et compétitifs de l’économie, source de la croissance future. Il importe donc pour les États européens de définir clairement leurs priorités budgétaires. M. Zuleeg cite en exemple la Finlande qui, après une très brutale récession au début des années 90, a délibérément choisi de financer la recherche, l’innovation et l’éducation, en sacrifiant les autres secteurs. La Finlande a ainsi su se réinventer comme économie et société ‘high tech’, et connait une croissance globalement soutenue depuis le milieu des années 90.
Pour les États européens, les secteurs à réformer sont clairement identifiés: ce sont principalement les retraites, le marché du travail et la fiscalité. Ces réformes sont naturellement difficiles à mettre en œuvre; ces difficultés expliquent largement le retard pris par de nombreux États européens depuis quelques années, et leur difficulté à rebondir après la récession de 2008-09.
Concernant l’avenir institutionnel de l’Union européenne, M. Zuleeg estime qu’il ne faut pas rechercher l’intégration pour l’intégration: les mesures d’approfondissement de l’Union européenne sont toujours lourdes de conséquences et ne peuvent être facilement remises en cause. Aussi conviendrait-il désormais de n’approfondir l’intégration européenne que dans les domaines où l’utilité économique d’un tel approfondissement serait avérée. De ce point de vue, la nouvelle Stratégie économique de l’Union européenne pour 2020 (Europe 2020), récemment publiée par la Commission européenne, lui paraît être un bon document, essentiellement guidé par le pragmatisme économique. M. Zuleeg espère que les mesures préconisées par ce document (qui propose des objectifs spécifiques pour chaque Etat membre) pourront être rapidement mises en œuvre.
M. Zuleeg ne croit pas pour le moment à la possibilité d’une intégration fiscale en Europe. La création d’un impôt européen serait aujourd’hui particulièrement impopulaire, c’est pourquoi la plupart des Etats membres n’en veulent pas. Même une taxe sur les produits financiers serait aujourd’hui mal perçue si l’initiative émanait de l’UE. De même, il n’y a à l’heure actuelle aucune perspective politique pour une augmentation substantielle du budget communautaire. Mieux vaut par conséquent se concentrer sur les mesures immédiatement utiles aux citoyens, comme la mobilité ou l’amélioration du fonctionnement du marché unique.
M. Zuleeg conclut en estimant que les Européens ont les moyens d’agir pour assurer leur avenir économique. Mais il importe désormais de partager une vision commune et de mettre en œuvre des stratégies de rationalisation économique convergentes, privilégiant systématiquement les secteurs d’avenir dans un contexte de rigueur budgétaire appelé à durer. Pour M. Zuleeg, une telle convergence n’implique pas nécessairement de nouvelles réformes institutionnelles.
Quentin PERRET
Responsable du groupe Energie & Europe élargie