Tandis que les parlementaires siégeaient en session à Strasbourg, nous avons pu rencontrer M. Marek Evison, conseiller spécial du Président du Parlement européen, Jerzy Buzek.
La discussion s'est organisée autour de deux éléments clés: le rôle du Parlement après le traité de Lisbonne, et la manière dont le Parlement entend mettre en œuvre les nouvelles compétences qui lui sont dévolues, notamment dans ses relations avec la Commission.
S'il est un gagnant évident à l'adoption du nouveau traité, c'est sans nul doute le Parlement européen, dont les compétences n'ont eu de cesse de croître depuis son élection au suffrage universel en 1979. Avec le traité de Lisbonne, et comme le prévoyait déjà le défunt Traité Établissant une Constitution pour l'Europe, la codécision devient la règle et non plus l'exception en matière de décision communautaire. Cela signifie que le Conseil (de l'Union européenne) n'a plus seul le dernier mot, et que le Parlement co-décide désormais dans une majorité de domaines. Le Parlement entend bien utiliser ces nouvelles compétences. Il l'a par exemple démontré dans le cas des fichiers SWIFT, en refusant la transparence unilatérale que réclamaient les États-Unis. Le Département d’État américain a noté cette évolution institutionnelle, Mme Clinton s’est déplacée 2 fois à Bruxelles et le staff dédié aux relations avec le Parlement a été étoffé.
Sur le budget 2011 la position du Parlement est naturellement pro-augmentation (en termes réels le budget proposé est inférieur à celui de 1986), et le parlement sait qu’il peut exercer son droit de veto, bien que sa marge de manœuvre politique soit restreinte.
Mais ces nouveaux pouvoirs ne sont qu'un moyen, dont la finalité reste à définir. Longtemps isolé dans le triangle institutionnel Commission (qui propose et exécute) – Conseil – Parlement (qui maintenant décident d'un commun accord), le Parlement est une institution qui penche naturellement, et volontairement vers la Commission. En effet, tout comme elle, il est le garant de l'intérêt communautaire (tandis que le Conseil défend les États, par l'intermédiaire des ministres des états-membres) et, institution politique par essence, il ne possède pas les moyens techniques de la Commission, laquelle dispose d'une administration nombreuse et expérimentée sur laquelle pourrait s’appuyer le Parlement.
Pour autant, les relations Parlement – Commission sont ambiguës: n'est-ce pas le Parlement qui a fait indirectement chuter la Commission Santer en 1999, scellant ainsi ce qui apparaît a posteriori le début d'un affaiblissement durable de la Commission? Les auditions que les Commissaires endurent désormais devant la plénière ne sont-ils pas le signe d'un inversement de la hiérarchie institutionnelle? Cela tandis que la présidence stable du Conseil européen pourrait, de facto sinon de jure, tendre à encadrer le monopole d'initiative dont jouit la Commission. Tout cela n'a donc pas encore permis de clarifier la nouvelle relation qui doit s'établir entre les deux principaux garants de l'intérêt général européen, même si les contacts presque quotidiens entre les présidents des deux institutions pourraient y contribuer dans les temps à venir.
Il y a cependant une volonté clairement affichée par le président du Parlement Européen de le renforcer dans sa légitimité et développer sa proximité vis-à-vis de la Commission notamment par le biais des commissions parlementaires qui se coordonnent dans leur travaux avec celle-ci. De la même manière le président Barroso en venant une fois par mois devant les parlementaires pour rendre compte de son activité de façon informelle signale la volonté commune de rapprochement des deux institutions dans l’espace dégagé par le traité de Lisbonne.
Enfin la question du renforcement des relations entre les parlementaires et les citoyens européens se pose. Quelques pistes modestes mais concrètes se dégagent. Il pourrait s’agir de mener campagne avec un double logo parti National/Européen, ou réserver un pourcentage de liste à des candidats multi-pays. La piste d’un scrutin uninominal n’est pas écartée mais ne semble pas envisageable en l’état des traités.
Les relations institutionnalisées avec les représentants de la société civile que sont les syndicats et les Églises telles que prévu par Lisbonne vont aussi dans le bon sens.
JG & Rodolphe de Soras