Le défaitisme économique semble aujourd'hui de mise en Europe: voilà quelques mois déjà que la presse a popularisé la notion de "G2", suggérant le retrait de l'Europe de la conduite des affaires du monde, laquelle serait désormais dévolue à un directoire composé des États-Unis et de la Chine, leur usine et principal créancier.
L'Europe serait désormais reléguée au rang de puissance intermédiaire, sorte de grande Suisse vieillissante, condamnée à une lente mais sûre déchéance. S'il s'agissait de constater le déclin (relatif) de l'UE face aux émergents afin de susciter un sursaut en conséquence, ce serait alors chose heureuse. Mais faire preuve de résignation au motif que la bataille serait perdue est non seulement une erreur économique, mais aussi une faute quand cela implique de ne pas utiliser à bon escient les leviers dont l'Europe dispose.
C'est tout d'abord une erreur, car l'UE (à 27 États-membres) reste la principale puissance économique au monde: son PIB représente 26% du PIB mondial (chiffres FMI 2010), devant le PIB américain (24%) et loin devant le PIB chinois (9%). En matière commerciale, l'UE est également en tête (16% des exportations et importations mondiales de biens et services – source Commission européenne, 2009) devant les États-Unis (16% des importations, 13% des exportations) et la Chine (9% des importations, 11% des exportations). Ces chiffres illustrent une réalité qui diffère sensiblement de la doxa médiatique suivant laquelle l'UE ne serait qu'une zone périphérique dans les échanges mondiaux. Elle est au contraire la principale puissance exportatrice, ce qui démontre que sa compétitivité demeure, et importatrice, ce qui en fait un partenaire commercial incontournable pour les pays émergents.
C'est également une faute. Il ne s'agit certainement pas de se satisfaire de la situation, car ces parts de marché et les écarts de compétitivité se réduisent tous les ans. Mais c'est justement la raison pour laquelle l'UE doit, tant qu'il en est encore temps, prendre acte de sa puissance économique et s'en servir de levier pour peser de tout son poids dans les négociations commerciales, monétaires, énergétiques, environnementales…au niveau mondial. Qu'il s'agisse d'obtenir un flottement de la monnaie chinoise, des concessions énergétiques de la Russie, l'achèvement du cycle de Doha ou des conditions de réciprocité améliorées dans les échanges commerciaux, une meilleure coopération américaine en matière d'environnement…, l'UE peut non seulement faire entendre sa voix mais surtout obtenir beaucoup de ses partenaires, si ses membres acceptent les concessions nécessaires à un discours unique et cohérent. Ne pas saisir cette opportunité serait faire preuve d'un complexe d'infériorité regrettable.
JG