Les vacances d’été n’ont pas été de tout repos pour la zone euro. C’est dans ce contexte que le président du conseil de l’Europe, Herman Van Rompuy, inaugurait les traditionnelles universités d’été du Medef, le 31 août dernier.
Pour rappel, Herman Van Rompuy est le premier président du Conseil européen, désigné en novembre 2009. Auparavant, il occupait les fonctions de Premier ministre du Royaume de Belgique depuis décembre 2008.
À retenir...
- Le plaidoyer du président du Conseil européen en faveur de l’application stricte de l’accord sur l’aide à la Grèce et son d’optimisme face aux conditions exigées par la Finlande.
- Le caractère non indispensable de l’adoption d’une règle d’or par les États pour lutter contre les déficits,
- Deux concepts très importants à ses yeux: l’équilibre et la réforme graduelle (pas à pas).
Herman Van Rompuy revient tout d’abord sur les différentes crises qu’ont connu l’Europe et le monde à l’issue des Trente Glorieuses, insistant sur les vertus stabilisatrices de la zone euro contre les dévaluations compétitives de la première moitié du Vingtième siècle. Et de mettre en avant que les déficits de la zone euro équivalent à la moitié de ceux des États-Unis ou de la Grande-Bretagne.
Puis le Président du Conseil européen a pointé les facteurs aggravants de la crise actuelle :
- Alors que l’une des principales causes de la crise tient au développement plus rapide des marchés de capitaux en comparaison de ceux de biens et services, Herman Van Rompuy estime qu’attendre un rééquilibrage par la main invisible est une erreur ;
- Le caractère national des autorités, face à des marchés par essence internationaux, qui ne tiennent donc pas compte de ces autorités ;
- Pour le Président du Conseil européen, la crise actuelle a aussi confirmé les limites des politiques consistant à laisser filer les déficits (deficit spending).
Si Herman Van Rompuy ne cache pas sa volonté de réformer profondément nos institutions (européennes comme nationales), pour lui la restauration de l’équilibre budgétaire se fait pas à pas. En effet, notre taux de croissance potentiel est trop bas pour être concurrentiel sur le marché mondial et maintenir notre modèle social, même réformé.
1. S’endetter pour investir, pas pour consommer, dans le privé comme le public ;
2. Plus loin que la simple réduction des déficits, retourner à l’équilibre budgétaire ;
3. Rechercher l’équilibre entre risques et rendement pour éviter de mettre en péril d’autres acteurs économiques ;
4. Les taux de change doivent refléter la santé financière d’un pays, sauf à risquer de réduire sa compétitivité ;
5. Trouver un meilleur équilibre entre rémunération et prestation pour éviter des conséquences défavorables sur le marché de travail ;
6. Être solidaires avec les pays qui prennent le chemin de l’orthodoxie budgétaire, car responsabilité et solidarité doivent aller de paire en Europe ;
7. Les politiques budgétaires nationales doivent aller dans le même sens: vers plus d’autorité.
8. Offrir un supplément d’âme à l’Union européenne, car la seule recherche de valeur ajoutée ne suffira pas: l’Europe n’est pas une idée purement mercantile ;
9 Nourrir le sens de l’intérêt général des États membres comme en 2008, avec un rôle moteur de la France ;
10 Les décisions européennes doivent être exécutées: le contraire nuit à la crédibilité des institutions communautaires, comme à celle des États membres.
Herman Van Rompuy n’a pas manqué d’évoquer la gouvernance économique de la zone euro.
Pour le président du Conseil européen, la crise aurait pu être évitée avec une discipline budgétaire. Il faut aujourd’hui stimuler et contraindre les pays en défaut. Et de rappeler que ces déséquilibres étaient déjà connus pendant la première décennie de la zone euro.
Or l’euro ne s’est jamais vu doter d’une structure de surveillance budgétaire crédible, en parallèle d’un instrument politique d’intégration comme la monnaie.
Un point positif, à l’issue du sommet du sommet européen du 21 juillet dernier: le Parlement européen pourra faire avancer, dès le mois de septembre, une véritable surveillance budgétaire, de la compétitivité et des balances commerciales.
Herman Van Rompuy évoque plus loin sa préférence pour une diplomatie plus discrète, qu’il juge plus performante. Faut-il y voir un moyen de se défendre de certaines critiques portées sur ce style discret par certains observateurs? Un « clin d’oeil » au style présidentiel français ?
Plaidant à nouveau pour une politique des petits pas, il enfonce le clou: le «court-termisme», ce n’est pas une politique, mais du spectacle !
Herman Van Rompuy souhaite en outre un renforcement des institutions de l’Eurozone.
En effet, la crise a prouvé que les grandes décisions pour la sauvegarder ne peuvent être prises qu’au plus haut niveau. Or chaque réunion des représentants de l’Eurozone se fait dans des conditions extraordinaires. Il faut travailler en dehors des périodes de tension: gouverner c’est prévoir !
Sans surprise, le Président du Conseil européen se range derrière les annonces d’Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, en faveur d’un leadership de plus haut niveau pour l’Eurozone, avec plus de cohérence dans les messages délivrés à l’extérieur, notamment aux marchés. Rappelons que les deux dirigeants européens précités ont avancé le nom d’Herman Van Rompuy pour assurer ce leadership.
Ce dernier appelle les États membres à jouer collectif: critiquer les décisions européennes est une erreur stratégique. Il faut les exécuter pour la crédibilité de l’Eurozone.
Ainsi, il faut appliquer les décisions prises lors du sommet du 21 juillet: alors la crise renforcera notre crédibilité. Le Président du Conseil européen rappelle que la dette grecque est quasiment aussi élevée que celle de la Belgique en 1993. Or personne n’a affirmé à l’époque que la dette belge était insoutenable !
C’est pour cette raison qu’il faut donner du temps à la Grèce, au Portugal, à l’Irlande.
Ces pays doivent donc exécuter méticuleusement les exigences européennes dans les programmes d’ajustement; mais il nous faut aussi respecter le rythme des démocraties européennes.
Herman Van Rompuy appelle les dirigeants européens à plus d’optimisme: le climat social, les discours angoissants, y compris chez nos responsables politiques sont paralysants pour les consommateurs et investisseurs. Ils pèsent sur la croissance.
Avec de la confiance, on peut éviter une récession.
Sur le plan mondial, le Président du Conseil européen estime que d’autres continents devront se réformer: les États-Unis et gestion de la dette, la Chine et sa politique monétaire, en raison des tensions inflationnistes qu’elle génère.
Herman Van Rompuy conclut en affirmant que l’Union européenne fera ce qu’elle doit faire: nous ne devons pas gaspiller les efforts des fondateurs il y a 60 ans.
Puis le Président du Conseil européen répond à quelques questions...
Interrogé sur la règle d’or, déjà adoptée par l’Allemagne et l’Espagne, il ne tient pas à s’immiscer dans un débat français. Pour lui, le plus important est de parvenir, à terme, à un équilibre budgétaire, comme l’exige le pacte de stabilité.
Sur la perception « extérieure » du couple franco-allemand, Herman Van Rompuy évoque leurs sensibilités différentes et le caractère indispensable d’un accord entre les deux États, insuffisant en lui-même, mais indispensable pour créer un consensus avec les autres pays membres. Pour lui, son rôle consiste justement à préparer le terrain entre les protagonistes européens, à commencer par la France et l’Allemagne. Et d’ajouter que, si l'unanimité est un handicap, c’est aussi un atout, à 17 comme à 27.
Quant à la capacité de la Belgique à contenir son déficit en l’absence de gouvernement, Herman Van Rompuy met en avant les différences structurelles entre nos deux pays: l’organisation fédérale de la Belgique et les 40 % de dépenses gérées par les régions, les communautés et autorités locales. Il ajoute que les gouvernements et parlements sont tout à fait stables. Il concède toutefois que, même si le seul parlement belge a pu valider la participation de son armée aux opérations libyennes, un gouvernement fédéral reste indispensable pour entreprendre les grandes réformes dont le pays à besoin: retraites, marché du travail... Une réforme constitutionnelle serait utile !
Sur l’application du principe de réciprocité entre l’Union européenne et ses partenaires, le Président du Conseil européen répond que la Commission européenne a pris les mesures qui s’imposaient lorsque l’Union européenne a été menacée par des pratiques de dumping ou de concurrence déloyale. Mais le grand débat reste celui de l’ordre monétaire international. Dans cette perspective, même un grand pays comme la Chine a intérêt à rectifier le tir. Le monde y gagnerait: la Chine en stabilité monétaire interne, l’Europe en compétitivité !
Quant à la représentation de l'Union européenne au G20, aux côtés des États membres qui appartiennent aussi à ce même G20, Herman Van Rompuy reconnait l’affaiblissement du message européen lorsque les États membres ne tiennent pas le même discours. Ce type de réunion doit donc être préparée en amont par l’ensemble des États membres, pas seulement ceux qui appartiennent au G20, pour arrêter une position commune. Il y a des réussites... Et des échecs, à l’image du sommet de Copenhague.
C’est pour cette raison que le G20 de novembre prochain fera l’objet d’une préparation à 27 au mois d’octobre.
Alexandre Coutant