La crise que traverse à l’heure actuelle la zone euro est particulièrement grave et malheureusement elle était désespérément prévisible. Nul ne pouvait en effet ignorer, malgré les différents subterfuges déployés, les dérives budgétaires grecques. La France, elle-même bien souvent donneuse de leçons, affiche depuis plusieurs décennies des budgets déficitaires. Par le passé, à l'instar de l'Allemagne, elle s'est piteusement affranchie des contraintes budgétaires du Pacte de stabilité. Constatons en effet que les contraintes inhérentes à l’euro, et acceptées par les signataires, ne furent pas voire jamais respectées par bon nombre d’entre eux et, encore plus surprenant, qu’aucune instance de contrôle et de certification des engagements pris ne fut créée! Quel amateurisme politique! Le constat est amer et les conséquences seront profondes et durables. Après la Grèce, l’Irlande et le Portugal d’autres États signataires pourraient à leur tour connaître les mêmes affres (l’Italie, l’Espagne…).
Les réponses apportées, les soutiens financiers mis en place, les processus de contrôle budgétaire décidés sont certes des éléments significatifs mais ils ne résolvent que partiellement voir superficiellement le problème. Tout cela n'est pas de nature à restaurer la confiance en l'économie européenne et une réponse d'ensemble est attendue par les peuples comme par les marchés. Par ailleurs, les nécessaires exigences de rigueur budgétaire pourraient en effet contribuer à accentuer les divergences en matière de compétitivité.
Constatons que l'écart de compétitivité entre le Nord et le Sud n’a cessé de croître (le coût salarial dans le Sud a progressé entre 1999 et 2011 de 21%, le taux de chômage en 2011 est de 11,7% au Sud alors qu’il n’est que de 6,2% au Nord).
En l’absence de soutien public on peut raisonnablement s’interroger sur l’avenir économique de ces États et sur les conséquences structurelles que leurs difficultés ne manqueraient pas d’avoir sur la zone euro. Tout est affaire de mesure et évidemment, le maintien du niveau de la demande dans ces États ne doit pas justifier la persistance des mauvaises pratiques de gestion mais l'enjeu n'est pas de dupliquer le modèle allemand. Le but recherché n'est en effet pas une uniformisation improbable mais la recherche d'un nivellement par le haut, les efforts inédits réalisés par certains Etats du Sud attestant des mérites du projet collectif européen. Encore faut-il accompagner cet effort pour ne pas contraindre ces Etats à l'asphyxie.
À terme devront être posées les nécessaires adaptations structurelles que devront entreprendre les États du Sud. Un grand nombre d’Européens convaincus considèrent que la situation impose plus de fédéralisme, plus de solidarité et de convergence Nord-Sud. L’idée est intéressante et nécessite d’être approfondie: considérer enfin la zone euro comme un espace économique (industriel, technologique, financier) commun avec peut-être à terme des pôles de compétitivité à l’échelle européenne. Cela implique un contrôle réel au niveau communautaire, sans doute sous la forme d'une autorité politique commune car un organe purement technique aurait peu de poids face aux États, pour assurer un fonctionnement effectif de l'ensemble.
Ceci nécessite avant tout de susciter l’adhésion des peuples qui ont su par leur détermination politique respecter les engagements du pacte de stabilité économique. Mais constatons que les négociations et les accords bilatéraux entre la Grèce et la Finlande pourraient contribuer, en l’absence d’un accord collégial et cohérent, à écorner profondément toute démarche de solidarité.
L’Euro avait vocation à faire émerger une monnaie unique sur une base de solidarité, de volonté économique et de rigueur budgétaire. Les faits sont amers, l’Euro, formidable instrument de souveraineté économique pour une Europe menacée de déclassement, a été dévoyé par l'irresponsabilité des uns et l'égoïsme des autres. L'aspiration des peuples est tout autre. Loin des mesures parcellaires et particulières, elle réclame un nouveau pacte fondateur pour l'Europe: plus de responsabilité contre plus de solidarité. Aux gouvernements d'en accepter le prix politique.
Mariliis Mets (CEPS)
Loïc Tribot La Spière (CEPS)
Jérôme Cloarec (Atelier Europe)