Comme toute construction à vocation politique, l'Union européenne est fondée sur un socle idéologique, en l'occurrence le postulat pacifique et égalitaire né des tourments de l'histoire européenne. Cette démarche est aujourd'hui bien consommée et l'Union, victime en quelque sorte de son succès majeur, la paix, ne parvient guère à trouver un élan qui parle aux générations filles d'une Europe apaisée. Pas ou peu de symbolique et une incapacité à fonder un récit rassembleur dans un ensemble qui s'est structuré essentiellement, au cours des siècles, par antagonismes.
Nombreuses furent les tentatives, ces dernières années, pour remédier à ce vide européen. Pas facile de décider que nous sommes amis simplement parce que ce serait logique de l'être et encore moins lorsqu'il s'agit de fonder une famille. Tout cela est bien connu.
Toutefois, il existe également un deuxième défaut de structure mis en lumière par la crise et qui n'est pas sans lien avec le premier. La méthode communautaire, proposée par Jean Monnet et ses condisciples a connu un foudroyant succès en prônant une politique des petits pas connue sous le vocable d'intégration fonctionnaliste. Pour simplifier, en confiant par petites touches de plus en plus de pouvoirs au niveau européen, l'Union s'est intégrée de façon dynamique, selon le principe du spill over, de la spirale qui veut qu'une compétence intégrée conduise à aspirer d'autres compétences. Tout cela fut d'une redoutable efficacité puisque le marché unique, par exemple, est fils de cette logique.
Fort de ce succès, la méthode communautaire est devenue une sorte de vache sacrée pour de nombreux européistes. C'est une erreur. Sur la forme, ces monnetistes n'honorent pas le maître pour qui le pragmatisme était au coeur de la démarche européenne, de la même façon que certains gaullistes trahissent l'Homme du 18 juin dont la cohérence de l'action, et sans doute le principe spirituel, n'était pas le formalisme de la souveraineté juridique mais de se donner les moyens de maintenir le bien le plus précieux, pour un individu comme pour un peuple, soit l'indépendance.
Surtout, sur la substance, il faut reconnaître que la méthode communautaire n'est pas parvenue à résoudre sa contradiction interne: plus les compétences des États sont partagés, plus l'intégration avance, moins le système apparaît légitime et partant plus il est contesté. La perception du décalage, à tort ou à raison, entre Bruxelles et les citoyens est devenu criant et il favorise un discours fantasmagorique sur une élite technocratique s'étant appropriée le pouvoir.
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