Avec le traité de Lisbonne, le Parlement européen est enfin devenu une institution essentielle dans le triangle intentionnel qui gouverne l'UE: Commission – Conseil – Parlement. Mais il n'en a pas tiré toutes les conséquences et n'a pas acquis de réelle dimension politique autonome. Sa composition comme sa direction doivent refléter les résultats des élections européennes et il faut mettre fin à la présidence tournante qui vicie sa perception par les citoyens.
Le Parlement européen est sans équivoque l'institution qui a le plus gagné en importance avec l'adoption du traité de Lisbonne entré en vigueur le 1er Janvier 2010. La codécision est maintenant la règle, et le Parlement dispose donc d'un droit de veto sur la majorité des décisions européennes. Pourtant, les taux de participation aux élections européennes demeurent faibles, et les citoyens se désintéressent du Parlement, comme si ce dernier restait l'émanation de partis nationaux, à l'ombre des négociations discrètes au Conseil et des eurocrates de la Commission.
Cette perception est peut être injuste, mais elle n'est pas infondée car le Parlement apparaît plus comme un grand forum où chacun peut s'exprimer que comme une institution politique où domine une majorité élue. Le mécanisme de présidence tournante en est symptomatique: les conservateurs (Parti Populaire Européen ou PPE, auquel appartient par exemple l'UMP) et les sociaux-démocrates et socialistes (Parti Socialiste Européen ou PSE, auquel appartient le PS) se partagent la présidence, divisant les cinq années de mandat en deux (Martin Schulz vient ainsi de succéder à Jerzy Buzek) - les partis plus faibles (verts, libéraux, …) n'étant pas associés à la manœuvre.
Là où certains voient un partage équilibré et pragmatique du pouvoir, nous regrettons une habitude qui donne aux électeurs l'impression que leur voix ne compte pas, puisque de toute manière le partage perdurera. Certains répondront qu'ainsi les deux grandes sensibilités européennes s'expriment et reflètent la diversité des pays de l'UE. Mais un Parlement est là pour faire des choix, trancher, voter…exprimer la position de la majorité, quitte à mécontenter la minorité jusqu'à l'alternance ou la création d'une coalition d'opposition qui renversera la tendance.
Il faut donc prendre acte de la politisation du Parlement, et cette majorité doit se refléter dans sa présidence (qui aurait en France l'idée de confier le perchoir à l'opposition ?), qui doit appartenir à la majorité élue. Certes la présidence ne fait pas tout, loin s'en faut, mais c'est souvent elle que l'on retient et les symboles comptent en la matière.