Contradiction de l'histoire, le « besoin d’Europe », économique et politique, est réel et même pressant dans un contexte de crise, tandis que la critique de l’Union européenne continue de prendre de l’ampleur. Le tissu associatif européen est dense mais il est inaudible dans l'ensemble de la population du fait d'une culture de l'entre soi qui nuit terriblement à l'Union. En parallèle, la classe politique devient de plus en plus défensive sur les questions européennes, comme l'a démontré la campagne présidentielle en France. Un apport utile serait de se fixer un objectif naturel, les élections européennes de 2014, pour rassembler les forces européennes, associatives et politiques (à titre individuel voire pour certaines structures), via une plateforme fédéraliste réunissant les idées constructives pour l’Europe.
L’intérêt d’une plateforme commune, qui serait aussi large que possible, serait de promouvoir de façon concertée une idée de l'Union politique, une Union audacieuse qui relancerait le projet. Loin d’apparaître comme isolée et abstraite, cette Union concentrerait des propositions concrètes auquel chacun pourrait se référer, quitte à s’en départir. Mais le débat européen en serait plus clair; on pourrait montrer que l’avenir de l’Europe peut se matérialiser dans de nombreux faits de société et économiques.
Certes, il n'est pas aisé de rassembler des associations dans un but politique. Ce n'est pas le substrat dans lequel elles se sont développées et elles y sont donc réticentes. Pourtant, les européens engagés conviennent de la nécessité de défendre les idées sur le terrain, et non plus seulement dans des colloques, et que des années de débats et autres propositions pour la réforme institutionnelle, ont laissé leurs forces exsangues. Seule la traduction politique de leurs engagements permettra de leur donner sens. Tout a été essayé, tant au plan de la communication que du travail académique, sauf finalement, l'essentiel, la politique. Laissons-leur chance !
Une telle plateforme signifierait:
- créer une structure permanente, un an avant l'élection par exemple, pour préparer l'organisation de la campagne et lancer les équipes chargées du programme;
- mettre en relation les divers individus et entités intéressés pour constituer les équipes des candidats comme des opérationnels;
- réunir, sous la direction d’un comité, les meilleures idées européennes du moment; les sélectionner dans un esprit à la fois de rupture (une « autre UE ») et de réalisme (mise en œuvre simple) ; les rendre cohérentes (notion de projet) et accessibles aux décideurs; montrer en quoi une autre Europe est possible et créer ainsi une référence;
- constituer un label, fondé sur une charte, et inviter les candidats à prendre position par rapport à la plateforme;
- conquérir les lieux d'expression des citoyens pour désenclaver le discours européen (forums sociaux, médias traditionnels, activités associatives, etc.) ;
- diffuser ces idées de façon large;
- encourager la constitution d’un groupe spécifique, fédéraliste, au Parlement européen, par exemple en concrétisant l'initiative Spinelli qui demeure un simple label au sein dudit Parlement.
Pour ne pas laisser le champ libre aux partis populistes qui exploitent facilement les opportunités offertes par la crise, il est important d’occuper le terrain politique, en proposant un avenir crédible, possible et heureux. Les associations europhiles peuvent conduire une offensive cohérente pour inviter les élus à se positionner plus clairement. Un tel mouvement constituerait une innovation majeure de nature à créer une perspective nouvelle différente du discours calculé et aseptisé auxquels les élus s’astreignent trop souvent. La plateforme, véritable creuset d'expériences politiques, professionnelles et associatives, serait un outil important pour montrer que l’Europe peut continuer à se construire.
[MàJ le 1er juin 2012 : Modification du texte original]