Chypre est une île qui tangue.
Son secteur bancaire souffre durement. Ses banques ont perdu plus de 3 milliards d’euros à la suite de la restructuration de la dette souveraine grecque. Un premier programme de renflouement équivalent 1.8 milliards d’euros soit 10% de son PIB a déjà eu lieu mais l’agence Fitch estime le besoin minimum à 4 milliards, jusqu’à 10 milliards selon certains experts européens.
Son économie flanche.
Avec une récession possible de 2% en 2012, l’économie chypriote a été durement affectée par la crise financière grecque et pourrait être prise en charge par l’Eurozone si la situation économique de son voisin empirait.
En 2011, le gouvernement chypriote s’est d’abord tourné vers la Russie pour obtenir un prêt de 2.5 milliards « sans autre contrepartie que des taux bas » mais il semble qu’un second emprunt soit plus délicat, obligeant les Chypriotes à se tourner vers le Fond européen de stabilité financière et le FMI. Avec une note de catégorie « spéculative », Chypre ne peut plus en effet emprunter sur les marchés internationaux.
Une trentaine de personnes (FMI, BCE et Commission européenne) viennent de passer une semaine à Nicosie pour évaluer plus précisément ses besoins financiers et budgétaires et esquisser les contours d’un plan de sauvetage européen. Toutefois, les négociations sur les contreparties demandées par l’Union s’annoncent difficiles car le Président Christophias, à 8 mois des élections présidentielles, n’est guère enclin à remettre en cause un secteur public hypertrophié avec salaires indexés sur l’inflation ni un taux d’imposition sur les sociétés de 10%, le plus bas d’Europe, qui rend l’île très attractive pour les sociétés européennes … et russes.
Ses relations diplomatiques avec la Turquie sont détestables.
Les dernières négociations sur la réunification de l’île ont échoué ; Ahmet Davutoglu, ministre des Affaires étrangères turc a confirmé qu’ « aucun ministère, aucune institution de la République turque ne serait en contact avec la présidence européenne dans quelques activités où la présidence chypriote grecque serait partie prenante » et un conflit sur le partage des ressources énergétiques dans les eaux territoriales de l’île menace à court terme.
Que la Turquie boude leur présidence ne déstabilise pas les Chypriotes mais les Européens craignent que ces tensions ne viennent compliquer des dossiers délicats gérés en direct avec la Turquie comme les relations avec le monde arabe ou la politique d’immigration et d’asile.
A ces inquiétudes, les Chypriotes répondent qu’ils sauront garder le cap de leur présidence « vers une Europe meilleure », plus solidaire et proche des citoyens. Dans la continuité de la présidence danoise, ils affichent aussi les priorités attendues :
- négocier le cadre financier des budgets européens pour 2014-2020 avec l’objectif de finaliser les négociations et d’élaborer un budget qui favorise la croissance et l’emploi,
- rechercher une nouvelle gouvernance économique européenne avec plus de réglementations des services financiers et davantage de protection du consommateur et de l’investisseur. De plus, à l'occasion du 20e anniversaire du marché unique, la présidence s'efforcera de donner un nouvel élan à l'approfondissement du marché intérieur en assurant la promotion d'initiatives soulignant le rôle des PME, et le rôle d'un marché unique numérique efficace,
- rapprocher l'Europe de ses citoyens, en mettant par exemple l'accent sur l'emploi des jeunes, en instaurant un régime d'asile européen commun d'ici la fin 2012, …
« Nous voulons réussir une présidence exemplaire, déclare enthousiaste Andreas Mavroyanis, vice-ministre des affaires européennes, pour prouver à nos partenaires que, malgré nos difficultés internes et notre petite taille, nous sommes un partenaire fiable et sérieux ».
Certes, les prérogatives de la présidence tournante sont maintenant largement limitées par le rôle croissant des Etats dans la gestion de la dette, le Conseil Européen présidé par Herman van Rompuy, l’Eurogroupe de Jean-Claude Juncker et enfin le Conseil des ministres des affaires étrangères de Catherine Ashton mais les dossiers à co-gérer demeurent essentiels pour la bonne marche de l’Union.
Chypre est une île qui tangue mais qui s’est aussi donnée un cap : à l’image du logo de sa présidence, un navire qui prend son envol, vers le cœur de l’Europe !