Appel pour un renouveau générationnel dans la classe politique européenne
Les prochaines élections européennes ne sauraient se résumer à un simple conflit générationnel. L’urgence est toute autre, l’UE est menacée dans son existence même. Dernière avanie en date: les sondages pour les Européennes laissent entrevoir un résultat électoral désastreux pour la construction de son unité politique, laquelle est le fruit de plusieurs décennies d’un effort commun et, précisément, pluri-générationnel. Partout, ou presque, un parti contestataire va incarner la 3e force politique, si ce n’est la 1ère comme ce sera peut-être le cas en France, et on observe une génération de leaders pétrifiée à l’idée d’affronter cette vague sombre. Tout simplement parce que cette génération-là s’est forgée dans des postulats qui ont été emportés avec le siècle: la croyance en un projet européen linéaire (la méthode Monnet comme chemin de Damas menant à l’unité européenne), la conviction que les conditions idéologiques de la paix de 1945 marquait la fin de l’histoire morcelée et violente du continent et enfin l’idée que l’on pouvait intégrer l’Europe, notamment au plan économique et monétaire, à coût politique constant (on garde nos bonnes vieilles habitudes nationales).
Les certitudes d’hier ont laissé place à une immense confusion. Les discours non dénués de fondement, mais mécaniques (ah, le franco-allemand qui ne résout pas tout, surtout à 28, mais qui fait toujours chic! Ah, les déclarations enflammées sur l’Europe de la paix quand 90% des électeurs n’ont pas connu la guerre, un escabeau d’élévation morale pour nain politique, etc.), masquent difficilement l’absence de projet politique. Pourquoi? La politique, même à notre époque du nomadisme connecté, c’est le temps long et les constructions politiques n’essaiment qu’à l’épreuve d’engagements tout aussi durables. Et l’Europe a ceci de cruelle que sa complexité est un terrible révélateur des insuffisances des politiques peu investis. En matière européenne, c’est de désertion, le plus souvent, dont il s’agit.
La relève ne se décrète pas, elle s’incarne, dit-on. Encore faut-il que ceux qui expriment des convictions nouvelles puissent prendre la parole. Les partis, hyper professionnalisés, privatisent l’élection pour en faire un jeu de structure(s) au détriment du pluralisme d’expressions. En France, pays révolutionnaire par excès de conformisme, la tendance est d’autant plus forte que les vieux au pouvoir veulent voir du jeune partout, sauf à leur place. C’est la sclérose à tous les étages. Ne nous trompons pas, les partis sont essentiels à la démocratie mais leur logique de sélection interne ne doit pas les détourner de leur rôle démocratique: être le réceptacle des aspirations de la société. Il faut ouvrir!
L’Europe a un besoin crucial d’être incarnée et doit être portée par une nouvelle génération de leaders. Les élections européennes approchent, n’attendons pas le réveil brutal d’un Parlement composé pour un tiers de nostalgiques des errements passés. Il faut renouveler le discours politique, sur le fond comme sur la forme. Cela ne se fera pas par ceux plusieurs fois élus pour un même résultat, et qui pourtant s’accrochent obstinément, et pas davantage par ceux, plus jeunes à l’état civil, qui les suivent dans les mêmes savates confortables, prompts à ânonner les mêmes incantations. Notre pays et l’Europe méritent bien mieux; il faut donner sa chance à la génération qui est née avec la crise et qui est donc la première concernée par sa résolution. Mesdames et Messieurs les élus récidivistes, vous avez ardemment poursuivi une carrière; donnez-lui une dimension historique en permettant la seule voie possible pour un renouveau effectif: faites place à la relève! Et que passe le destin.
Jérôme Cloarec, Camille Roux (respectivement Président et Vice-Présidente de l’Atelier Europe, think-tank indépendant), Thomas Houdaillle (Délégué Général de « Nous Citoyens »).