S'ouvre,
aujourd'hui, à l'invitation de Nicolas Sarkozy, la Convention
pour un projet populaire sur l'Europe. Jusqu'à demain, samedi 24
septembre, élus et militants vont débattre pour élaborer et porter
ensemble le projet européen de l'UMP.
Mais comment parler de l'Europe après le
choc du 29 mai ? Qu'une si large majorité de Français se prononce en
faveur du non doit d'abord être interprété comme une réplique du séisme
du 21 avril 2002. Cela a été dit, écrit et souligné à juste titre.
Pour autant, ceux qui, réduisant l'issue
du référendum à la seule volonté de sanctionner le gouvernement Raffarin
(épreuve que subissent tous les gouvernements depuis 20 ans),
croient pouvoir se dispenser de toute réflexion en profondeur sur
l'Europe, se trompent précisément sur la très grave crise que traverse
la vie politique française. Il faut entendre ce que les Français ont dit
sur l'Europe le 29 mai.
Il n'y a qu'à prendre l'exemple des jeunes qui sont entrés ou
se préparent à entrer dans la vie active. Les 18-34 ans ont voté à plus
de 60% contre le traité établissant une Constitution pour l'Europe.
On a beaucoup entendu parler, lors de la
campagne référendaire, de projet européen. Mais pour cette génération
née après 1968, marquée par un taux de chômage deux fois plus élevé et
un pouvoir d'achat très sensiblement dégradé (en 1970, le salaire annuel
d'un quinquagénaire était de 15% supérieur à celui d'un trentenaire ;
il l'est aujourd'hui de plus de 40% !), l'Europe n'est plus un projet,
mais d'abord un héritage.
C'est pourquoi il nous faut inventer une nouvelle ambition
européenne. Une ambition qui permette de libérer le débat politique
français de ce qu'on pourrait appeler le spectre de l'Appel de Cochin
dont la cible, durant la campagne des partisans du non, a tristement
pris le visage du plombier polonais.
Une ambition qui, dès lors, suppose
plusieurs attitudes :
1)
Avoir le courage d'ouvrir le débat sur la nature de l'Europe. Première
exigence, cesser de saucissonner le débat européen pour reprendre
l'expression de Pierre Lellouche : une avancée monétaire avec le traité
de Maastricht, le renforcement du contrôle des flux migratoires avec
Amsterdam, une timide réforme institutionnelle avec Nice... C'est
l'exigence d'une Europe politique. Seconde exigence, celle des
frontières géographiques qu'il convient de fixer à l'Europe. Ignorer les
limites de l'élargissement, c'est prendre le risque de diluer l'idée
européenne en tant que telle.
2) Redonner du sens à la construction économique sous l'angle
de la préférence communautaire. L'Europe inquiète, alors qu'elle a été
conçue pour protéger et défendre nos intérêts par rapport aux autres
grandes régions du monde. Défendre nos industries, défendre le secteur
agricole et nos services... C'est la raison d'être de l'Union européenne
et tout le sens d'une économie sociale de marché hautement compétitive.
3) Admettre que la relance du projet
européen ne peut plus s'articuler autour du seul axe franco-allemand.
Les rapports de force ont évolué en Europe et nous sommes loin des
conditions qui préexistaient à la conclusion du traité de l'Elysée en
1963. Il nous faut trouver les voies d'une nouvelle coopération étroite
avec l'Espagne, l'Italie, le Benelux, la Pologne. L'Allemagne,
elle-même, a tendance à se tourner toujours davantage vers l'Est en
dépit de la volonté affichée par le gouvernement Schröder ! Comment
continuer à négliger les liens privilégiés qui nous unissent à nos amis
des Pays de l'Europe centrale et orientale (Peco) entrés dans l'Union
depuis le 1er mai ?
Cela
suppose naturellement qu'à l'égard de ces pays, la diplomatie française
ne s'oublie pas, y compris en cas de graves désaccords comme en 2003,
au point de les qualifier de mal élevés, ou de souligner qu'ils ont
perdu une occasion de se taire pour la seule raison qu'ils sont de
nouveaux adhérents. Où est ici la grandeur de la France ?
En dépassant, dans une Europe bientôt à
27 avec la Roumanie et la Bulgarie, le seul axe franco-allemand et en
éclairant ainsi la nature et les raisons d'être du projet communautaire,
nous serons en mesure de réinventer une ambition européenne. Et
d'apporter des réponses aux inquiétudes exprimées par nos concitoyens le
29 mai.
La question
des délocalisations, par exemple, ne doit pas être un sujet tabou dans
le cadre de nos discussions communautaires. Il est légitime que les
nouveaux Etats membres réduisent chez eux la pression fiscale afin de
renforcer leur attractivité, et c'est le nouveau commissaire européen à
la Fiscalité, Laszlo Kovacs (Hongrie), qui vient de le rappeler.
Mais comment ne pas souscrire à la
proposition de Nicolas Sarkozy lorsque, dans son appel d'Avoriaz,
le 4 septembre 2004, il déclarait : «Je propose que tout pays dont
la moyenne des impôts serait significativement inférieure à la moyenne
européenne ne puisse accéder aux fonds structurels que, selon des
critères d'attribution fortement dégressifs, voire qu'ils n'y aient plus
droit lorsque leurs taux d'imposition sont réduits à presque rien» ?
Aujourd'hui, l'Europe a besoin d'un
nouveau souffle. Pourquoi la France ne serait-elle pas à même de le lui
donner ? Le non au référendum n'est pas un refus de l'Europe, mais un
signal fort des Français pour une Europe visible, une Europe ambitieuse
qui suivra les perspectives économiques, technologiques, sociales et
culturelles tracées de nouveau par la France.
* François Guéant, Délégué national des
Jeunes Actifs UMP ; Thierry Rambaud, maître de conférence à Paris II et
membre des Jeunes Actifs UMP