Les prises de positions
des États et des institutions européennes sur la répression au Tibet,
et plus généralement sur les Droits de l'Homme, ont-elles pour vocation
d'être lettre morte surtout lorsqu'elles s'adressent à des partenaires
économiques de premier plan, telles la Chine ou la Russie?
Monsieur le Député européen Patrick Gaubert, Vice-président de la sous-commission des Droits de l'Homme, membre de la Commission des Libertés civiles, de la Justice et des Affaires intérieures, Membre de l'Assemblée Parlementaire Paritaire Afrique-Caraïbes-Pacifique / UE et membre suppléant de la Commission des affaires étrangères nous répond.
Non,
je ne crois pas que les prises de positions des États membres et des
institutions européennes ont vocation à être lettre morte.
L'Union européenne est présente sur la scène internationale pour la protection des droits de l'homme. Le conseil de l'Union européenne et la Commission européenne n'hésitent pas à aborder sans complaisance les sujets des droits de l'homme avec leurs partenaires lors de leurs rencontres bilatérales. Les institutions demandent des résultats, sur des points précis.
Des dialogues sur les droits de l'homme sont établis avec de nombreux pays dans le monde - notamment la Chine et la Russie. Ces réunions permettent à l'UE d'aborder directement la situation des droits de l'homme dans le pays en question et également d'exprimer les inquiétudes et demandes aux autorités. Cependant, et c'est là que le bas blesse, ce dialogue ne garantit pas un meilleur respect des droits de l'homme.
Les raisons sont multiples. Il serait illusoire de penser effectivement que les intérêts économiques ne jouent pas un rôle important: cependant, il s'agit aussi souvent du manque de volonté des États tiers qui ne modifient pas leurs positions, faute de véritable moyen de pression de la part des européens.
Il est extrêmement difficile d'estimer avec précision quelle stratégie marche le mieux. La situation est évidemment complexe, cela dépend diffère d'un pays à l'autre. Dans les États du Golfe, dans les pays du Caucase, on a vu l'impact, même limité pour certains, de l'intervention de l'UE sur ces questions. Pour les cas individuels, il est prouvé que la voie diplomatique (non publique) est la plus efficace. Le nom d'un tel peut être mentionné lors de la conclusion d'un accord ou la visite d'un ambassadeur. Pour ce qui est des cas généraux, le recours à des sanctions économiques est souvent remis en cause car son utilité est marginale dans de nombreux cas: Iran, Corée du Nord. Par contre, un boycottage peut se montrer plus persuasif.
Par contre, je crois que ce que l'on pourrait reprocher aux États membres, c'est quelque fois de ne pas prendre de position du tout, de ne pas mentionner les droits de l'homme - et ce à cause d'intérêts économiques majeurs et au nom de la 'Realpolitik'. Certains Etats préfèrent jouer cavaliers seuls - or, au niveau européen, le manque d'unité au Conseil nuit gravement à la visibilité d'un message de cette teneur. Mais ceci tient à la nature de la politique étrangère européenne. Malgré la position de Haut représentant/Secrétaire Général du Conseil de l'UE, Javier Solana, les États membres restent encore souverains sur de très nombreux domaines dans leurs relations diplomatiques avec les États tiers. On ne sais pas encore en quoi le Traité de Lisbonne va faire évoluer cette réalité, il va falloir attendre dans la pratique.
Nous remercions chaleureusement Monsieur le Député européen pour sa participation aux Lundis de l'Europe.
Nous vous invitons à le retrouver sur son site.