Il ne faut pas beaucoup
pour que les esprits déforment la réalité. Le livret A en est un
exemple. Nous avons donc demandé à Monsieur le Député européen Jean-Pierre Audy, membre de la Commission du contrôle budgétaire, "Pourquoi Bruxelles en veut-elle au Livret A ?"
Le
livret A fait partie des produits d'épargne défiscalisés à taux
réglementé (3,50%), actuellement commercialisé par trois réseaux
bancaires privés. C’est le produit d'épargne préféré des Français. Ces
établissements bancaires privilégiés transfèrent, en contrepartie d'une
commission d'intermédiation, les sommes collectées à la Caisse des
dépôts et consignations (CDC), qui les utilise pour financer le
logement social, grâce à des prêts avantageux et à long terme aux
organismes d’habitations à loyers modérés (HLM). Le livret A remplit
également une mission d’accessibilité bancaire (obligation d’ouvrir un
livret à toute personne qui en fait la demande).
Je ne pense pas
que la Commission européenne en veuille spécialement au livret A. Elle
fait son travail en veillant au bon fonctionnement du marché intérieur
et des règles de la concurrence. C’est un très ancien dossier
déclenché, en 2005, par des plaintes de diverses banques commerciales
déposées auprès de la direction de la concurrence de la Commission
européenne et qui reprochent à ce dispositif, réservé à trois réseaux
bancaires privés, de fausser la concurrence en matière de collecte
d’épargne.
En 2007, la Commission européenne a considéré que les
droits spéciaux de distribution en cause constituaient une restriction
d’application du droit communautaire et n’étaient pas indispensables
pour assurer de manière satisfaisante les deux services d’intérêt
général invoqués par les autorités françaises à savoir le financement
du logement social et l’accessibilité aux servies bancaires de base.
Par conséquent, la Commission européenne a demandé à Paris d’étendre la
distribution de ce produit d’épargne à toutes les banques françaises.
La
réforme du livret A est intégrée au projet de loi de modernisation de
l’économie qui sera présenté au gouvernement en avril et devant le
parlement en mai ou juin de cette année. La distribution du livret A
par tous les établissements de crédit devrait se faire à partir du 1er
janvier 2009, selon des récentes déclarations de Christine Lagarde. De
nombreuses dispositions sont encore à définir, comme le niveau de
rémunération du livret A pour les banques, et l’équilibre dans le
circuit de financement du logement social en France.
Cette
question du livret A est, en réalité, un cas typique de droit de la
concurrence européen et c’est une bonne chose que la France respecte le
droit européen tout en trouvant des solutions pour les légitimes
préoccupations sociales.
Pour reprendre votre question, la
Commission européenne n’en veut pas au livret A en tan que tel : ce
sont les pratiques de distribution du livret A et les modes de mise en
œuvre des obligations de services publics qui y sont liées qui ont été
jugés contraires aux principes du droit européen de la concurrence et
au bon fonctionnement du marché intérieur.
J’ajoute que cette
réforme intervient dans un contexte particulier, où la modernisation et
le financement du logement social sont au cœur des débats, et où les
banques prises dans une crise financière sont en quête de liquidités.
Les arbitrages à opérer par le gouvernement seront délicats, suivis
avec attention par les médias et les milieux économiques, sociaux et
politiques.
L'Atelier Europe remercie chaleureusement Monsieur le Député européen d'avoir participé aux Lundis de l'Europe.