La sécurité énergétique est devenue un véritable enjeu, en particulier pour les économies qui dépendent majoritairement des énergies fossiles (pétrole, gaz naturel et charbon) et des importations d'énergie. C'est exactement le cas de l'Union européenne, qui consomme beaucoup d'énergie, produit peu et importe énormément. Dès 2000, dans son Livre vert sur la sécurité de l'approvisionnement énergétique, la Commission européenne relevait que si aucune mesure n'était prise, la dépendance énergétique européenne atteindrait 70% en 2030 (contre 50.5% aujourd'hui).
L'Union européenne a donc décidé de réagir pour renforcer la solidarité européenne dans le domaine de l'énergie. Si les obstacles sont nombreux, je note que depuis ce Livre vert, soit en à peine huit ans, les progrès ont été réels et concrets.
Avec l'augmentation du prix du baril de pétrole en toile de fond (en 2000, le baril était à 20 dollars contre plus de 130 dollars aujourd'hui) et malgré une situation internationale difficile (guerre en Irak, crise iranienne sur le nucléaire, nationalisation de sociétés pétrolières au Venezuela et en Bolivie, ouragan Katrina qui a détruit 10% des capacités de raffinage aux États-Unis), les États européens se sont entendus sur une approche énergétique commune.
À la base de cette stratégie, il y a un réel pragmatisme, qui tient en une question : comment faire baisser la facture énergétique européenne ? Et la réponse s'est imposée tout aussi simplement : il faut acheter moins cher et/ou consommer mieux.
Je crois que c'est ce principe de réalisme et cette modestie dans l'approche qui ont permis de surmonter plusieurs obstacles pour arriver à une politique énergétique beaucoup plus européenne qu'il n'y paraît :
• Acheter moins cher notre énergie :
Pour commencer, cela implique d'en produire davantage nous-mêmes afin d'importer moins. Pour cela, l'Union européenne développe l'utilisation des énergies renouvelables puisque ce sont les seules sources d'énergie dont nous disposons. L'éolien et le solaire permettent de produire de l'électricité; La biomasse et la cogénération permettent de produire de la chaleur; Les biocarburants, dont l'efficacité doit être améliorée et l'utilisation mesurée, permettent de réduire la part fossile dans les carburants. L'objectif de porter à 25% la part des énergies renouvelables dans notre bouquet énergétique d'ici 2020 est un choix qui témoigne de l'approche européenne sur ces questions.
Il faudrait également renforcer le dialogue avec les pays producteurs d'énergie et définir de véritables stratégies dans le temps pour sécuriser nos importations. C'est certainement cet aspect qui est le plus délicat à mettre en place. Les États-membres ont chacun des traditions diplomatiques, des liens privilégiés avec certains pays et des intérêts parfois divergents. Il est donc complexe de définir pour 27 pays une stratégie commune vers des pays aussi nombreux et différents que ceux de l'OPEP, la Russie, l'Algérie, la Norvège, etc. D'ailleurs parler d'une seule voix en matière d'énergie ne suffit pas : il faut également s'engager sur des quantités précises par le biais de contrats à long terme, investir dans des infrastructures d'acheminement de l'énergie très couteuses (oléoducs, gazoducs, terminaux GNL), négocier avec les compagnies productrices et les gouvernements des pays producteurs. S'agissant de négociations stratégiques et commerciales, il est difficile de partager certaines informations ou de négocier à plusieurs. Je crois que là résident les obstacles les plus sérieux à une approche collective européenne. Il faut toutefois rester réaliste : si la coordination européenne s'améliore et si nous sommes partenaires dans certaines négociations, je n'imagine pas la Commission européenne négocier en lieu et place des États-membres. Je ne crois d'ailleurs pas qu'elle le pourrait puisqu'elle ne dispose ni des moyens humains ni de la crédibilité économique nécessaires.
• Mieux utiliser l'énergie :
De la même manière, on peut réduire sa facture et sa dépendance énergétique en utilisant mieux l'énergie. L'Union européenne s'est engagée dans un vaste chantier de réduction de la consommation d'énergie et d'augmentation de l'efficacité énergétique, notamment dans les grands secteurs énergivores comme les bâtiments et les transports. Là-encore, toutes les décisions sont prises au niveau européen et, du plan d'action pour l'efficacité énergétique jusqu'à la directive sur la performance énergétique des bâtiments, les institutions européennes jouent pleinement leur rôle et arrivent à des résultats concrets. Je rappelle que ces initiatives contribuent également à réduire nos rejets de CO2, contribuant par là-même à un autre objectif européen : réduire d'au moins 20% ces rejets d'ici 2020.
Enfin, la sécurité énergétique dépend du fonctionnement des marchés de l'énergie. Nous examinons en ce moment deux directives et trois règlements sur l'organisation du marché européen du gaz et de l'électricité. Il s'agit de renforcer les interconnexions entre pays européens et d'augmenter la capacité du réseau pour répondre à la hausse de la production d'énergie renouvelable en Europe. Si un black-out survient dans un État-membre, la solidarité européenne doit pouvoir jouer et de l'énergie pouvoir être acheminée rapidement d'un État à l'autre. La France par exemple, qui produit une grande part de son électricité à partir du nucléaire, a des capacités suffisantes pour pouvoir répondre en urgence à un besoin en électricité chez ses partenaires. Si cela est encore difficile à faire aujourd'hui, c'est parce que nos réseaux sont insuffisamment reliés et qu'il n'y a pas de gestion du réseau au niveau européen. Cela doit changer car c'est une condition essentielle de la sécurité énergétique et nous allons y répondre, en encourageant l'investissement et en créant un régulateur européen. C'est ce que nous sommes en train de faire au Parlement européen, où les députés européens travaillent sur un cadre règlementaire européen pour que les marchés de l'énergie soient efficaces et concurrentiels.
Pour ces raisons, je crois que l'approche européenne patine moins qu'on ne le croit et que par son pragmatisme et des objectifs précis, l'Union européenne est en train de surmonter les principaux obstacles, politiques et autres. C'est du reste la méthode que Robert Schuman avait utilisé en son temps et dont nous avons toujours à apprendre.