Monsieur le Député européen Alain Lamassoure nous répond.
Pour le monde entier, la réponse est évidente : après la crise russo-géorgienne d’août, la crise financière a vu l’Europe exister soudain sur la scène internationale, comme un acteur uni et déterminant : non seulement elle a pu adopter un plan de soutien financier sans précédent aussi rapidement que les Etats-Unis ont adopté le leur, mais c’est sa solution qui a finalement servi de modèle outre-Atlantique. J’étais à Washington fin octobre, et je peux vous dire que les cercles dirigeants étaient stupéfaits et agacés de se voir, pour la première fois, contraints de s’aligner sur des positions européennes, vis-à-vis de Moscou, comme vis-à-vis de la crise financière. Par exemple, ils ne voulaient de la réunion du G20 à aucun prix !
Hors de France,
tout le monde sait que ce résultat est d’abord dû à l’action
personnelle de Nicolas Sarkozy. Sa rapidité de réaction, son énergie et
son entêtement à aller jusqu’au bout sans se satisfaire d’un habituel
compromis diplomatique peu contraignant n’a guère de précédent dans
l’histoire européenne. Moscou envahit la Géorgie ? Il se précipite à
Moscou et Tbilissi, n’en part que lorsque l’offensive est arrêtée, puis
revient à Moscou pour obtenir le retour des troupes à leur point de
départ. La crise éclate ? Il réunit d’abord les quatre grandes
puissances financières de l’Union : c’est un échec. Il convoque alors,
pour la première fois, un sommet des pays de l’euro, auquel il invite
Gordon Brown, auteur du meilleur plan de sauvetage : succès important,
mais incomplet. Il convoque les 27 du Conseil européen, pour obtenir
l’unanimité dans l’Union : c’est bien, mais la crise est mondiale. Il
prend Barroso par la main et s’invite à Washington pour convaincre le
Président Bush de réunir une conférence internationale : de mauvais
gré, Bush accepte mais doute de l’accord des Asiatiques. Sarkozy part
pour Pékin convaincre Chinois, Japonais et Indiens. Le G20 de
Washington réussit, mais les pays pauvres s’inquiètent de ces décisions
prises sans eux : le 29 novembre, il est à Qatar à la Conférence de
l’ONU sur l’aide au développement …
Succès
de la présidence française, c’est aussi un succès de toute l’Union
européenne. Sans la rapidité de la réaction de la Commission européenne
et du Parlement européen, la mise en application de l’accord politique
obtenu entre les gouvernements aurait exigé des mois, alors qu’il n’a
fallu que quelques jours. C’était bien aux gouvernements nationaux
d’agir, puisqu’ils disposent, seuls, des ressources budgétaires
colossales indispensables au plan. Mais sans la confiance mutuelle, les
procédures bien rodées, et les habitudes de travail an commun prises,
du sommet des chefs d’Etat au plus humble des groupes administratifs,
bref sans l’acquis de ce qu’on appelle la « méthode communautaire »,
jamais ceci n’aurait été possible. La querelle sur l’attribution des
lauriers est donc assez vaine.
S’il
y a pourtant un enseignement clair à tirer de cette crise, c’est
l’absolue nécessité d’appliquer le traité de Lisbonne le plus vite
possible. Il a fallu une crise exceptionnelle et un leader exceptionnel
pour faire vivre l’Europe politique – jusqu’au 31 décembre prochain.
Ensuite, l’Union sera à la merci de présidences moins fortes et de
circonstances moins propices pour trouver un accord unanime. Seul le
traité de Lisbonne lui donnera des dirigeants durables et forts d’une
légitimité démocratique, et la capacité de prendre des décisions grâce
à la généralisation de la formule de l’accord à la majorité. L’ultime
défi de la présidence française sera donc de convaincre un gouvernement
irlandais affaibli de reprendre la ratification du traité et d’y
parvenir avant les élections européennes de juin 2009. A défaut, ce
second semestre de 2008 risquerait bien de n’avoir été qu’un feu
d’artifice sans lendemain.
Nous vous invitons à le retrouver sur son site.