La Russie et la Chine n'ont pas hésité à manifester récemment leur mécontentement face à plusieurs décisions européennes (bouclier antimissiles, visite du Dalaï Lama). Comment l'UE peut-elle contrer ces deux poids lourds géopolitiques, et notamment lorsqu'ils font alliance sur la scène internationale ?
Ce sont deux problèmes complètement différents.
Pour
l’Europe, la Chine est essentiellement un partenaire économique.
Partenaire devenu majeur, partenaire à part, du fait de son prodigieux
dynamisme, de sa compétitivité hors norme, et aussi du potentiel que
son marché presque illimité offre à nos exportateurs. Cela ne doit pas
nous empêcher d’y plaider la cause des droits de l’Homme, en essayant
de trouver le bon équilibre pour éviter une réaction de fierté
nationale qui serait contre-productive. Quand le Président Sarkozy
reçoit le Dalaï-lama ou quand le Parlement européen décerne le prix
Sakharov au dissident Hu Jia, les menaces de sanctions économiques de
Pékin ne sont guère crédibles : dans l’état actuel de nos échanges, la
Chine aurait bien plus à perdre que l’Europe à une « guerre »
commerciale. Pour ce qui est des grandes questions diplomatiques
concernant la Chine – Taiwan, la Corée du Nord, la politique chinoise
en Asie -, nous ne pouvons actuellement que nous en remettre aux
Américains.
La
Russie, c’est une tout autre affaire. Là, c’est aux Européens d’être en
première ligne, et sur tous les sujets. De l’hibernation communiste, la
Russie est sortie très mal en point. Un taux de mortalité
catastrophique, une population en déclin rapide, une économie fragile,
qui reste totalement dépendante des hydrocarbures, des dirigeants qui
affrontent le XXIe siècle avec l’état d’esprit du XIXe, un appareil
d’Etat à qui la culture démocratique reste profondément étrangère. Or,
ce pays est le premier grand voisin de l’Union européenne. Comme toutes
les anciennes puissances nostalgiques, il est tenté par des postures
nationalistes et il conserve une vraie capacité de nuire.
Nous
devons donc avoir une politique russe. L’objectif en est évident :
faire comprendre à Moscou qu’au XXIe siècle, plus aucune menace ne lui
viendra de l’ouest ; l’Europe unie est pacifiée et pacifique. L’intérêt
de la Russie est de s’en faire un partenaire dans un monde où les
éventuelles menaces contre cet Etat-continent ne peuvent venir que du
sud ou du sud-est.
Au
lieu de cela, les pays européens ont laissé les Américains multiplier
les décisions maladroites envers Moscou – l’élargissement de l’OTAN à
tous ses anciens alliés, le projet d’antimissile -, ils se sont
abstenus de toute réaction sérieuse quand la Russie a suspendu les
traités de désarmement de notre continent, et ils se sont donné le
ridicule de rivaliser entre eux pour obtenir les faveurs de Gazprom.
En
août dernier, la réaction énergique de Nicolas Sarkozy, en tant que
Président du Conseil européen, au moment du conflit russo-géorgien a
pourtant montré la puissance de l’Europe lorsqu’elle est prête à parler
d’une seule voix : autant Moscou aime jouer à Horace contre 27 Curiace,
autant la Russie ne peut se permettre de s’aliéner d’un coup un
ensemble trois fois plus nombreux et quinze fois plus riche qu’elle.
C’est pourquoi je recommande vivement que l’un des premiers sujets que
les dirigeants européens évoquent avec Barack Obama soit la définition
d’une véritable politique, européenne et occidentale, envers la Russie.
L'Atelier
Europe remercie chaleureusement Monsieur le Député européen pour sa
participation aux Lundis de l'Europe, ainsi que pour sa disponibilité
et l'aide qu'il lui apporte.
Nous vous invitons à le retrouver sur son site.