Au cours des dernières années, l'Union européenne a commencé à se doter d'une politique intégrée pour l'énergie et le climat. Les Européens visent ainsi un triple objectif : réduire la facture énergétique, préserver le climat, garantir leur sécurité d'approvisionnement. Mais cette politique comporte plusieurs contradictions, dont certaines sont essentielles. Elles sont liées à la nature même de l'Union européenne, aux divergences parfois radicales entre les objectifs visés et, enfin, à la multiplicité des situations et des cultures énergétiques au sein même de l'UE.
Le Paquet Énergie-Climat : 27 politiques pour 3 objectifs
L'élément essentiel de la politique européenne est aujourd'hui le Paquet Énergie-Climat. Adopté par le Conseil européen en décembre 2008, il fixe à l'Union européenne un triple objectif pour 2020: 20% de réduction des émissions de CO2, 20% d'amélioration de l'efficacité énergétique et 20% d'énergies renouvelables. Or la cohérence de ces trois objectifs n'a en fait rien d'évident. Même à hauteur de 20%, les énergies renouvelables n'offriront que des sources d'énergie complémentaires : pour les 80% restants, les problèmes de coûts et de sécurité d'approvisionnement demeureront entiers. De plus, ces trois objectifs font l'objet de réglementations différentes. Enfin et surtout, chacun des 27 États membres conserve son entière liberté quant aux choix du "mix" énergétique et des sources d'approvisionnement. Or ces choix sont parfois radicalement contradictoires. Les désaccords sur des sujets tels que l'énergie nucléaire ou les relations avec la Russie attestent que les États européens sont encore loin de disposer d'une stratégie commune en rapport avec leurs objectifs.
La concurrence, une stratégie inadaptée aux enjeux
Si le choix des sources d'énergie constitue une source majeure de divergence intra-européenne, la (dé)régulation des marchés en est une autre. Trois "paquets législatifs" successifs promus par la Commission européenne ont cherché à instaurer la concurrence dans les secteurs du gaz et de l'électricité. Cette stratégie était censée susciter naturellement l'apparition de nouveaux acteurs et un renforcement de l'offre disponible. Mais l'absence d'unité des réseaux de transport en Europe condamne pour le moment la possibilité même d'un marché unique de l'énergie. Dans le secteur gazier, l'objectif de concurrence intérieure se heurte immédiatement à dépendance de l'UE aux approvisionnements extérieurs. Dans le secteur de l'électricité, la formation de marchés transfrontaliers tend à aligner les prix sur ceux du fournisseur le plus cher, provoquant une hausse globale des prix à la consommation. Enfin et surtout, les spécificités du secteur énergétique – notamment les coûts d'entrée extrêmement élevés – tendent à favoriser les oligopoles naturels. Dans ces conditions, une préférence systématique pour la concurrence apparaît inadaptée : seule une régulation efficace est de nature à interdire les abus et les dysfonctionnements du système.
L'Europe dans la compétition mondiale pour l'énergie
Si la libéralisation n'apparaît guère adaptée aux contraintes du secteur énergétique, les tentatives pour imposer la concurrence en Europe n'en constituent pas moins un élément fortement perturbateur pour les grands opérateurs historiques. Or ceux-ci jouent au service de l'Europe un rôle irremplaçable, d'une part pour construire ou rénover les infrastructures, d'autre part pour traiter avec les pays fournisseurs. Et, précisément, la position européenne vis-à-vis de ces derniers est appelée à se dégrader au cours des prochaines années. En effet, l'Europe a longtemps bénéficié, pour son approvisionnement extérieur, de son statut d'économie dominante en même temps que de l'abondance des ressources disponibles. Elle doit faire face aujourd'hui à la disparition simultanée de ces deux atouts. Le « Plan d'action pour la sécurité énergétique de l'Europe », proposé fin 2008 par la Commission et dont certaines dispositions sont débattues par le Conseil, traduit bien une prise de conscience. Mais faute d'instruments réellement efficaces, l'UE ne paraît guère à même de défendre ses intérêts face à des concurrents internationaux moins scrupuleux et plus volontaires.
Conclusion : une politique énergétique sans État ?
En matière énergétique comme dans d'autres domaines, l'Union européenne se heurte très rapidement à ses limites matérielles et institutionnelles. Dans un contexte énergétique global de plus en plus défavorable aux intérêts européens, la traditionnelle méthode communautaire n'est sans doute plus à la hauteur des enjeux. Seul un véritable gouvernement européen, jouissant de l'autonomie financière et des compétences nécessaires en matière de politique étrangère et de politique industrielle, pourrait garantir à l'Union européenne une sécurité énergétique durable.
Quentin PERRET
L'élément essentiel de la politique européenne est aujourd'hui le Paquet Énergie-Climat. Adopté par le Conseil européen en décembre 2008, il fixe à l'Union européenne un triple objectif pour 2020: 20% de réduction des émissions de CO2, 20% d'amélioration de l'efficacité énergétique et 20% d'énergies renouvelables. Or la cohérence de ces trois objectifs n'a en fait rien d'évident. Même à hauteur de 20%, les énergies renouvelables n'offriront que des sources d'énergie complémentaires : pour les 80% restants, les problèmes de coûts et de sécurité d'approvisionnement demeureront entiers. De plus, ces trois objectifs font l'objet de réglementations différentes. Enfin et surtout, chacun des 27 États membres conserve son entière liberté quant aux choix du "mix" énergétique et des sources d'approvisionnement. Or ces choix sont parfois radicalement contradictoires. Les désaccords sur des sujets tels que l'énergie nucléaire ou les relations avec la Russie attestent que les États européens sont encore loin de disposer d'une stratégie commune en rapport avec leurs objectifs.
La concurrence, une stratégie inadaptée aux enjeux
Si le choix des sources d'énergie constitue une source majeure de divergence intra-européenne, la (dé)régulation des marchés en est une autre. Trois "paquets législatifs" successifs promus par la Commission européenne ont cherché à instaurer la concurrence dans les secteurs du gaz et de l'électricité. Cette stratégie était censée susciter naturellement l'apparition de nouveaux acteurs et un renforcement de l'offre disponible. Mais l'absence d'unité des réseaux de transport en Europe condamne pour le moment la possibilité même d'un marché unique de l'énergie. Dans le secteur gazier, l'objectif de concurrence intérieure se heurte immédiatement à dépendance de l'UE aux approvisionnements extérieurs. Dans le secteur de l'électricité, la formation de marchés transfrontaliers tend à aligner les prix sur ceux du fournisseur le plus cher, provoquant une hausse globale des prix à la consommation. Enfin et surtout, les spécificités du secteur énergétique – notamment les coûts d'entrée extrêmement élevés – tendent à favoriser les oligopoles naturels. Dans ces conditions, une préférence systématique pour la concurrence apparaît inadaptée : seule une régulation efficace est de nature à interdire les abus et les dysfonctionnements du système.
L'Europe dans la compétition mondiale pour l'énergie
Si la libéralisation n'apparaît guère adaptée aux contraintes du secteur énergétique, les tentatives pour imposer la concurrence en Europe n'en constituent pas moins un élément fortement perturbateur pour les grands opérateurs historiques. Or ceux-ci jouent au service de l'Europe un rôle irremplaçable, d'une part pour construire ou rénover les infrastructures, d'autre part pour traiter avec les pays fournisseurs. Et, précisément, la position européenne vis-à-vis de ces derniers est appelée à se dégrader au cours des prochaines années. En effet, l'Europe a longtemps bénéficié, pour son approvisionnement extérieur, de son statut d'économie dominante en même temps que de l'abondance des ressources disponibles. Elle doit faire face aujourd'hui à la disparition simultanée de ces deux atouts. Le « Plan d'action pour la sécurité énergétique de l'Europe », proposé fin 2008 par la Commission et dont certaines dispositions sont débattues par le Conseil, traduit bien une prise de conscience. Mais faute d'instruments réellement efficaces, l'UE ne paraît guère à même de défendre ses intérêts face à des concurrents internationaux moins scrupuleux et plus volontaires.
Conclusion : une politique énergétique sans État ?
En matière énergétique comme dans d'autres domaines, l'Union européenne se heurte très rapidement à ses limites matérielles et institutionnelles. Dans un contexte énergétique global de plus en plus défavorable aux intérêts européens, la traditionnelle méthode communautaire n'est sans doute plus à la hauteur des enjeux. Seul un véritable gouvernement européen, jouissant de l'autonomie financière et des compétences nécessaires en matière de politique étrangère et de politique industrielle, pourrait garantir à l'Union européenne une sécurité énergétique durable.
Cet article est le premier d'une série d'articles consacrée à la politique énergétique européenne.
Quentin PERRET
Audrey GENTILUCCI