L'affaire libyenne démontre une nouvelle fois le caractère inopérant de l'Union européenne dans sa configuration actuelle. Ce véritable test pour la diplomatie européenne qu'on nous promettait unie et (ré)active a tourné à la bataille navale. Touché, coulé. La tragédie politique a révélé toutes les insuffisances du système en place. Tout d'abord, l'UE dont on connaît désormais le numéro mais dont on regrette que personne n'y réponde (où est donc la Haute Représentante? Les soldes sont pourtant bien terminées à Londres). Un quotidien britannique avait certes titré, au soir de sa nomination: "le Royaume-Uni a réussi à tuer le poste dès le premier jour". Aujourd'hui même le Foreign Office est, paraît-il, embarrassé tant l'opération torpedo a réussi au-delà de tout espoir (europhobe), l'image du Royaume-Uni en étant désormais affectée.
Ensuite, les Etats, en partie à cause des silences de la Haute Représentante, en partie parce qu'ils désirent se faire entendre vaille que vaille, cèdent à la cacophonie. C'est, comme à l'accoutumé, la course au mieux-disant. Comment mettre d'accord vingt-sept positions nationales avec des traditions diplomatiques aussi disparates? Faute d'autorité commune pour décider, nous sommes dans le forum permanent: parfait pour un organe législatif mais le hic, c'est que le Conseil décide et il doit le faire prestement en cas de crise comme c'est le cas actuellement avec la Libye. Et que dire de ce ballet désuet des délégations nationales qui se précipitent dans l'urgence à Bruxelles pour ce rituel obligé où chacun repart ravit après avoir constaté que rien n'a été décidé? Dans ce monde évolutif et instable, il est souvent difficile pour un exécutif de produire un message intelligible et fort, alors pensez-donc à vingt-sept! Que les Anciens se rassurent, le XXIe siècle semble avoir épargné l'Europe.
Enfin, les structures communautaires sont bien impuissantes à compenser cette vacuité politique de l'Europe. La Commission a déserté le terrain voilà bien longtemps et le Parlement ne peut que regretter l'état de notre diplomatie. Le système est toutefois tellement auto centré qu'il ne semble pas affecté par ce qui ressemble fortement à une impasse. Point de sanction, pour l'heure, mais gare au questionnement sur sa légitimité à l'heure des comptes!
Surtout, la crise libyenne laisse a minima un sentiment de malaise et, avouons-le, un sentiment de tristesse au regard de nos idéaux européens. Un fou furieux, à notre porte, massacre des civils, on n'ose dire son peuple tant il le martyrise, au moyen d'avions de combat et autres armes lourdes et nous restons les bras croisés. L'analogie avec la crise en Ex Yougoslavie dans les années 1990 est embarrassante: décidément les Européens n'apprennent rien de leurs échecs. Plus grave, au plan moral, il est dévastant de constater le silence des médias et de l'opinion publique européens après ce fiasco diplomatique. Certes, on s'habitue sans doute à la médiocrité. L'Histoire nous enseigne toutefois qu'il y a des inactions qui valent crimes.
JC