Une délégation de l'Atelier Europe s'est rendue à Budapest du 28 avril au 1er mai 2011 dans le cadre de la Présidence hongroise du Conseil des Ministres de l'Union européenne, fidèle en ce sens à la vocation d'échanges et de discussions de notre association.
C'est non sans quelques interrogations que nous avons abordé le séjour hongrois. En Europe occidentale, les commentaires de presse, peu amènes, dépeignaient la Hongrie comme un havre pour néo conservateurs en mal d'expériences in vivo, en l'espèce une puissance régionale de l'Europe centrale. Or, si les neo cons américains sont apparus comme l'expression d'un excès de confiance de la puissance américaine, le conservatisme triomphant à Budapest est bien davantage la marque d'une Nation à la recherche de son passé glorieux et de sa vocation présente. La référence permanente à Attila, si elle nous paraissait quelque peu tronquée (mais la référence française à Charlemagne n'est-elle pas aussi artificielle?), témoigne de la recherche identitaire de ce peuple au tropisme oriental mais à l'ancrage européen.
Au cours du séjour, nous avons rencontré des responsables gouvernementaux, ainsi que de la fondation "Szazadveg" qui est le moteur idéologique du parti au pouvoir, le Fidesz. Or, ce ne furent pas les Champs Catalauniques! Bien au contraire, nous avons reçu un accueil chaleureux et nous avons été agréablement surpris par la détermination calme de nos interlocuteurs. Certes, le gouvernement est d'abord soucieux des affaires intérieures. La crise économique, et sans doute morale, qui frappe le pays a conduit les citoyens à voter massivement pour le Fidesz qui dispose des deux tiers des députés à la Chambre. Son programme est sans ambages: une nouvelle constitution conservatrice, une nouvelle orientation économique avec notamment une fiscalité favorable aux entreprises nationales et, semble-t-il, une volonté de faire fi du passé récent, soient les pages libérales puis socialistes depuis la chute du Mur. L'objectif est clair; redonner confiance à un peuple perplexe quant aux dividendes de la transition post communiste et à l'orgueil blessé (les relatifs succès économiques de ses voisins septentrionaux, à commencer par la Slovaquie, entrée dans la zone euro, accentue la perception du déclassement). Et la gueule de bois post adhésion à l'UE, ici comme ailleurs en Europe centrale, se fait encore sentir.
Toutefois, le gouvernement hongrois affiche une volonté d'ancrage européen. Habituel double discours d'un gouvernement soucieux de son rang international, peut-on objecter. Ce n'est peut-être pas aussi simple. Tout d'abord, l'accueil que nous avons reçu a démontré que cette ambition européenne ne se réduisait pas à un affichage médiatique. Ensuite, et surtout, le gouvernement, s'il flatte sa base idéologique, nous est apparu particulièrement pragmatique. Or, Budapest a bien conscience qu'il n'y a pas d'alternative crédible au projet européen et que sa situation géographique l'isolerait en cas de marginalisation institutionnelle. Du reste, sa volonté de faciliter l'élargissement de l'UE à d'autres Etats atteste sans doute d'une conscience des aléas, pour soi, d'une position périphérique.
Un mariage européen de raison, certes, mais l'humeur n'est pas à la gaudriole. Un Ministre que nous avons rencontré a parfaitement résumé la position de Budapest pour le semestre présidentiel: "non pas une présidence de prestige mais une présidence efficace". La Hongrie, jugée europhobe plus à l'ouest, s'est attelée à sa présidence en élève peu démonstratif mais sérieux. Elle a pris à son compte les dossiers de la troïka (Espagne, Belgique et Hongrie) afin d'assurer la continuité des projets et réformes, sachant également qu'elle a une proximité territoriale avec la prochaine présidence, polonaise. La Hongrie tire également parti de ce semestre présidentiel pour renouer avec sa vocation régionale comme en témoigne son fort engagement pour la Stratégie du Danube.
C'est bien cela, l'enjeu aujourd'hui pour la Hongrie; retrouver une ambition conforme à ses moyens et se forger un destin prometteur. La Hongrie doit surmonter son histoire en dépassant les affres de la période communiste et, de façon générale, les ressentiments anciens, comme ceux liés à l'éclatement de l'Empire austro hongrois. En quelque sorte, revenir dans l'histoire. Pour cela, il y a des chemins évidents, mais trompeurs; l'exaltation nationaliste, au prix d'un isolement sans espoir. L'Europe, enfin, cette construction plus abstraite mais où elle pourra puiser cette vocation nouvelle tant recherchée, celle d'une nation européenne mais aux racines orientales assumées, faisant ainsi le lien entre ces deux mondes mutuellement incompris. L'Europe sans passion, donc, mais l'Europe résolument.
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