Il existe un assez grand écart entre les objectifs que se fixe l’UE dans sa politique extérieure (article 21 du traité), objectifs qui sont nombreux, puissants et généreux et qui répondent bien en théorie aux souhaits des citoyens tels que relevés par l’Eurobaromètre, et le constat de faiblesse que l’on peut faire tous les jours en observant les résultats de cette diplomatie, sauf exception.
L’UE souffre d’abord de l’impossibilité d’utiliser certains outils classiques de la diplomatie, comme la force militaire, la politique de visas ou le prestige général des nations, qui lui manquent pour peser vraiment sur les situations internationales.
Une autre explication tient à la division de l’UE. La Commission a beau jeu d’accuser les États membres, comme dans les cas de la guerre en Iraq (réticences franco-allemandes), de la reconnaissance du Kosovo (réticence espagnole) ou du soutien toujours repoussé à la réforme du Conseil de sécurité (réticence italienne).
On observe aussi une division, probablement plus grave, générale, entre certains États du nord (Pays-Bas, Danemark, Suède…), qui prônent une politique extérieure fondée sur un idéalisme qui ferait des droits de l’homme un objectif principal voire unique de politique étrangère, au risque de faire passer l’UE pour une naïve donneuse de leçons, et d’autres, plus réalistes mais moins prévisibles, qui prônent une attention plus grande aux complexités du terrain. Cette division est accentuée par le fait que certains pays tiers, comme la Chine ou la Russie, s’efforcent avec application de diviser les États membres, même les plus réalistes, en utilisant les arguments économiques à leur disposition.
Mais la Commission, de son côté, souffre aussi de défauts de cohérence qui l’empêchent d’utiliser, au moins, les atouts dont elle dispose pourtant.
Sur des sujets connus et spécialisés, comme le commerce, où elle exerce depuis quarante ans, la Commission sait obtenir de bons résultats. Le récent accord de libre-échange avec la Corée du Sud en est un exemple, à tel point que les Américains, s’apercevant que l’Europe avait mieux négocié qu’eux, ont souhaité reprendre les discussions avec Séoul.
Mais lorsque les sujets deviennent plus larges, à la fois politiques, technologiques et commerciaux, la Commission elle-même peut sombrer dans une impuissance désolante, incapable de dégager des priorités. Les 35 DG de la Commission agissent en matière extérieure de façon relativement professionnelle mais de façon séparée. On a vu des pays africains voir se renouveler leur aide de la part de certains services alors que d’autres s’offusquaient d’une situation électorale révoltante; un pays de l’ASEAN sollicité pour une coopération politique nouvelle pendant qu’une autre direction prenait à son encontre des mesures commerciales punitives; un commissaire inaugurant généreusement un dialogue technologique en Chine pendant qu’un autre cherchait désespérément un levier pour faire avancer ses intérêts industriels (personne ne coordonne d’ailleurs les visites des différents commissaires en Chine). Les exemples de cloisonnements entre services sont nombreux, la Commission perd donc des occasions de défendre la position européenne sur la scène mondiale.
Pourtant, l’UE dispose de leviers inexploités: ses coopérations technologiques et réglementaires exercent un attrait véritable sur les pays tiers. Qu’il s’agisse de Galiléo, de l’aéronautique, de la directive REACH ou de la libéralisation des télécoms, l’expérience européenne, souvent unique, intéresse vraiment les pays émergents. On peut estimer que, sur les 35 groupes de travails techniques qui existent entre l’UE et la Chine, une petite dizaine intéressent beaucoup Pékin. Il est permis de penser qu’une diplomatie délicate et intelligente pourrait se permettre d’utiliser ces leviers pour faire passer certains messages dans d’autres domaines où Pékin répond aux abonnés absents (coopération en Afrique, droit de la concurrence, protection des marques…).
Proposition n°2 :
Intégrer au sein du service européen pour l’action extérieure les dialogues techniques et réglementaires de l’UE, actuellement dispersés dans les directions générales de la Commission, et qui pourraient être utilisés comme leviers dans les négociations bilatérales avec les pays tiers. Augmenter ainsi la culture de la réciprocité dans les relations de l’UE avec les pays tiers.
Une telle action relève de l’organisation interne et ne nécessite pas de modification du traité.
Pierre Vive
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