La Hongrie a présidé l'Union européenne pendant le premier semestre de l'année 2011 et vient de transmettre ce rôle à son voisin du Nord, la Pologne. Engagée pour « Une Europe forte », Eniko Gyori, ministre des Affaires européennes – rencontrée dans le cadre d'un voyage d'étude de l'Atelier Europe – a conduit cette présidence de main de maître dans un contexte international particulièrement tendu et totalement imprévisible entre printemps Arabe, Fukushima et crise financière.
Le slogan de la présidence hongroise se résume en deux mots: « strong Europe » (une Europe forte), et s'est décliné sur plusieurs thèmes:
- le renforcement des institutions européennes,
- la stabilisation de l'euro,
- les politiques communes (les domaines de l'énergie, de l'agriculture, des inégalités régionales étant des priorités),
- la clôture des négociations avec la Croatie en vue de son intégration,
- le développement de politiques régionales comme la « stratégie du Danube »,
- l'ouverture de l'espace Schengen à la Bulgarie et la Roumanie.
Mission (presque) accomplie par cette jeune équipe malgré les frustrations, les égoïsmes nationaux et les aléas internationaux. Si la Bulgarie et la Roumanie sont toujours exclues de l'espace Schengen, la Croatie a achevé son processus d'intégration et sera le 28e membre de l'UE le 1er juillet 2013.
La feuille de route 2050 pour une politique extérieure énergétique commune et une économie compétitive à faible intensité de carbone est lancée et une stratégie européenne pour l'intégration des Roms a été politiquement approuvée.
Si la Hongrie passe le relais de la présidence à la Pologne, elle n'en reste pas moins sur les écrans européens à cause des fortes réserves émises sur sa nouvelle Constitution. Adoptée en avril, celle-ci est jugée trop autoritaire et conservatrice par nombre d'opposants au premier ministre Viktor Orban mais aussi par de nombreux acteurs de la société civile et politique européenne.
Certains articles pourraient ainsi être jugés non-conformes aux principes de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. En ligne de mire:
- l'absence de débat démocratique avant l'adoption de la Constitution;
- l'absence de protection pour les minorités, Roms en particulier;
- la remise en question du pluralisme de la presse;
- la possibilité d'adopter des lois au champ d'application très large (ex: réforme des retraites, droit de la famille…) par un simple vote aux deux-tiers du Parlement (la majorité du parti Fidesz à la Chambre) sans passer par la Cour constitutionnelle;
- etc.
Un discours populiste nécessaire?
Egalement rencontré dans le cadre de l'Atelier Europe: Andras Lanczy, professeur de philosophie politique et président de la Fondation Szazadveg, le centre d'étude dont les idées ont largement inspiré la Constitution, souligne que le projet européen ne permet pas de résoudre la crise économique et morale post-communiste dans laquelle la Hongrie est toujours engluée.
La solution qu'il préconise pour redonner confiance à son pays et lui forger un nouveau destin est un État fort, un retour aux valeurs conservatrices, un discours populiste qui exalte la nation:
« L'engagement de la Hongrie dans le projet européen est sincère mais l'UE reste abstraite et loin des préoccupations du citoyen hongrois. »
Un discours posé et rassurant qui ferait presque oublier les risques de dérives autoritaires et nationalistes de l'exercice du pouvoir de gouvernement de Viktor Orban.
Eniko Gyori, Andras Lanczy… Deux rencontres, deux actions, une vision: pour une Hongrie confiante dans une Europe forte. Parce qu'il n'y aurait pas d'autres alternatives ?
NdR: Voir également les comptes-rendus de notre voyage d'études en Hongrie.