À l’automne, l’Atelier Europe écrivait qu’il ne fallait pas mettre tous les « PIIGS » (Portugal, Italie, Irlande, Grèce, Espagne) sur le même plan : là où la situation de la Grèce apparaissait à bien des égards dramatique, les autres « PIIGS » présentaient chacun des faiblesses évidentes, mais également des avantages relatifs indéniables (une dette relativement modérée en Espagne et au Portugal, des ressorts de croissance en Irlande, un budget contrôlé en Italie…).
Ce constat a été validé par les faits: tandis que la dette de la Grèce a été restructurée et qu’un défaut complet n’est pas exclu, les autres « PIIGS » tiennent le choc, en partie il est vrai grâce au soutien indirect de la Banque Centrale Européenne, très active (quoique bien moins que la Fed par exemple) sur le marché secondaire de la dette souveraine.
Il faut bien sûr se garder de tout optimisme excessif, mais constatons simplement que les mois à venir vont être cruciaux et vont sans doute déterminer l’issue de la crise. En effet, l’Espagne, l’Italie, l’Irlande et le Portugal ont mis en œuvre des réformes ambitieuses, tant sur le front de la rigueur que de la croissance, mais reste à savoir si ces pays bénéficieront de quelques mois de répit sur le front des marchés pour que ces réformes puissent commencer à porter leurs fruits. Il importe pour cela que les marchés se convainquent que les réformes adoptées ramènent les pays en question sur le chemin de la soutenabilité.
La combinaison rigueur budgétaire / réformes structurelles est en effet probablement la seule voie possible pour sortir de la crise. Les néo-keynésiens emmenés par Krugman ont beau jeu d'affirmer que la rigueur est dangereuse en bas de cycle, et la relance lui est certes peut-être préférable, mais si et si seulement des marges de manœuvre existent, ce qui n’est plus le cas après des décennies de keynésianisme dévoyé. Et aux esprits chagrins qui observent la baisse de la production qui en résulte, on doit hélas répondre que ces pays ont vécu au-dessus de leurs moyens trop longtemps, en recourant de manière excessive à l’endettement public et privé, et que l’ajustement qui se produit aujourd’hui constitue un rattrapage inévitable. L'équilibre est complexe à trouver, et les temps à venir seront de toute façon très difficiles, mais on ne construit rien sur une faillite.
À cet égard, l’Italie constitue sans doute le cas le plus intéressant, d’une part parce que parmi les pays en difficulté, il s’agit ce celui dont la dette en valeur est la plus élevée, rendant impossible un éventuel sauvetage par ses pairs, et d’autre part parce que les réformes que s’efforce de mettre en œuvre le gouvernement Monti constituent un modèle du genre.
Beaucoup l’ont oublié, mais Mario Monti, après avoir été Commissaire européen au marché intérieur (Commission Santer) puis à la concurrence (Commission Prodi), a participé en 2008 à la rédaction du rapport Attali. Or si des 316 mesures proposées alors, rares sont celles qui ont vu le jour en France, il semble au contraire que Mario Monti en fasse son viatique et s’attaque aux nombreuses rigidités qui brident depuis trop longtemps la croissance de l’Italie (quasi nulle sur la décennie 2000-2010): les professions réglementées (taxis, notaires, etc.), les rigidités du marché du travail, l’enseignement supérieur, etc.
S&P, en dégradant de deux crans la note italienne en même temps que la note française, bien plus que de son influence, a fait preuve de son incompétence et de son incompréhension d’enjeux complexes, où politique et économie s’entremêlent. Les marchés ne s’y sont pas trompés, infligeant à S&P un camouflet cinglant et achetant à nouveau de la dette italienne, le spread ne cessant depuis de se réduire.
Reste à souhaiter que cette accalmie se poursuive: les réformes structurelles sont le seul ressort de la croissance de long terme, mais leurs effets ne sont jamais immédiats, et il faut que la confiance regagne les ménages et les entreprises italiennes pour qu’un cercle vertueux de production / consommation / croissance s’enclenche. Les prémices de cet enchaînement peuvent être aujourd’hui observées – rien ne permet en revanche d’être sûr que cela va durer. Souhaitons bonne chance à l’Italie et à Mario Monti.