Pour les partisans d’une Europe forte, le moment serait désormais venu d’amorcer le tournant vers un véritable gouvernement européen. Parce que la crise financière démontre, s’il était nécessaire, l’interdépendance des États-membres entre eux, parce que les solutions qui émergent sont toutes collectives et parce que les prochaines difficultés ne seront évitées que par de nouvelles actions communes, il faudrait maintenant parler sérieusement de l’Europe politique.
Le fédéralisme, en ce sens, est plus ou moins assimilé à l’avènement d’une gouvernance économique européenne cohérente. Ainsi, après l’euro (qui est l’une des cinq politiques déjà fédérales de l’Union), une union bancaire vient d’être décidée. Tant mieux. Au-delà de cette nouvelle politique, l’espoir fédéraliste signifie que l’on soutient, par exemple, la mise en place d’une politique budgétaire commune : cela a déjà commencé avec l’embryon de contrôle sur les équilibres budgétaires des États membres que détient désormais la Commission. Mais au-delà, nous pourrions parler des emprunts collectifs (eurobonds) et surtout du grand sujet manquant qu’est l’harmonisation des fiscalités. La question des cotisations sociales, si différentes d’un État à l’autre, pourrait s’y ajouter. Au total, une forme de fédéralisme budgétaire.
Mais « être fédéraliste » ne se réduit pas à la politique budgétaire, si importante soit-elle. Quid de la politique extérieure ? Celle-ci reste, en dépit du service d’action extérieure, seulement naissante. Quid de la délivrance des visas, une politique très ancienne, prérogative des États souverains et encore éminemment nationale malgré l’existence de l’espace Schengen ? Quid de la politique énergétique, alors qu’aujourd’hui, malgré les contraintes (20 % de réduction des émissions d’ici 2020, par exemple), chaque Etat définit librement son mix énergétique ? Quid, enfin, de la politique des transports ? L’auteur de ces lignes avait commis ici, en 2011, un court article sur la tentative de réglementation des transports urbains dans l’Union… une politique manifestement à la limite du principe de subsidiarité.
On voit que le fait de vouloir une Europe fédérale ne se réduit pas à la politique budgétaire ni à la politique économique au sens large. En soi, le « fédéralisme » suppose une approche globale, une vision de l’Europe qui aurait vocation à s’unifier autour de buts et de moyens communs, comme le veut la fameuse « union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe » qui figure au préambule de tous les traités depuis 1957. Procédons par étapes.
Dans le prochain billet, la question sera de préciser les termes : que veut dire « fédéralisme » ? Parle-t-on d’un État fédéral, d’une confédération ou d’une fédération ? y a-t-il d’autres fédéralismes possibles ? où en sommes-nous actuellement ? où pouvons-nous réalistement aller ?
Dans un article encore ultérieur, nous examinerons les inconvénients éventuels du fédéralisme pour notre Europe. C’est une question utile à se poser avant toute nouvelle révision des traités.
Les États n’avancent guère au niveau national. L’Europe doit avancer. Elle est déjà fédérale dans certaines de ses parties. Mais une ambition fédérale générale est-elle pour autant nécessaire ? Ou plutôt : la construction de l’Europe, qui se fait dans l’obligation de trouver le bon équilibre entre la diversité et l’unité, doit-elle se laisser enfermer dans un concept de science politique ? ne faut-il pas être un peu plus pragmatique ?
Pierre Vive
Voir aussi:
2) Faut-il être fédéraliste ? Mais de quoi parle-t-on au juste ?
3) Faut-il être fédéraliste ? Attention à l’effet boomerang !
4) Faut-il être fédéraliste ? Ce qu’il nous faut, ce sont des projets !