La France est à l’initiative de l’accord international et
intergouvernemental conclu à Londres le 17 octobre 2000. Il a notamment
pour objet de simplifier le fonctionnement du brevet européen et d’en
alléger le coût. L’entrée en vigueur de cet accord est subordonnée à la
ratification par huit Etats membres de l’Office Européen des Brevets. À
ce jour, l’accord a été ratifié par sept Etats : le Royaume-Uni,
l’Allemagne, la Slovénie, Monaco, l’Islande, les Pays-Bas et la
Lituanie. Son entrée en vigueur est donc désormais subordonnée à sa
ratification par la France.
Les opposants se crispent et
fustigent la ratification de cet accord au nom de la défense de la
langue française. Or, c’est justement en ratifiant cet accord que nous
permettrons à la langue française de rayonner en maintenant la langue de
Voltaire comme langue de procédure devant l’Office Européen des
Brevets. Les brevets d’origine française prendront alors pleinement
effet dans les différents pays signataires du protocole de Londres sans
nécessiter de traduction de leur description. Refuser ce régime très
favorable à l’utilisation de la langue française conduirait sans aucun
doute à discréditer la France, qui fut, rappelons-le, à l’initiative du
projet ! A cela pourrait s’ajouter un phénomène de marginalisation qui
pousserait nos partenaires les plus influents à ressortir de leurs
cartons leur projet d’instaurer l’anglais comme seul moyen de réduire le
coût du brevet européen !
L’enjeu dépasse la seule
défense de la langue française.
Se cantonner à ce débat
serait une erreur fatale pour notre pays. C’est aujourd’hui le coût des
traductions qui est le frein principal à l’utilisation du brevet
européen par les innovateurs français. La suppression de cette
obligation de traduction de la description permettrait de réduire les
coûts actuels du brevet européen de façon significative : de 30 à 50 % !
Nos entreprises, et notamment nos PME, pourraient alors bénéficier
pleinement de cette arme stratégique pour mieux défendre leurs parts de
marché en Europe.
L’Union européenne a les yeux
tournés vers la France. À l’heure où les coûts d’obtention du brevet
européen sont de très loin supérieurs à ceux des États-Unis, de la Chine
ou du Japon, c’est toute l’Europe qui pourrait en effet mieux défendre
ses parts de marché. La rendant, par là même, plus compétitive et donc
créatrices d’emplois.
L’exemple de cet accord de
Londres est symptomatique du mal identitaire français. Il est alimenté
par un manque d’assurance du fait à la fois de la situation économique
de la France, mais aussi de l’image de notre pays dans le monde. Ce
mal-être conduit les Français à se focaliser sur un petit pré carré sans
avoir une vision du champ stratégique qui englobe toute une chaîne de
décisions. Pour que la langue française se répande dans le monde, et
pour qu’il y ait une adhésion des peuples francophiles, il faut aussi
que la France séduise et que son modèle soit attractif. Cessons
systématiquement de découpler la force de frappe que représentent les
droits de propriété intellectuelle et la culture, de séparer la
diplomatie des intérêts économiques. La langue française sera aussi
défendue par la compétitivité de la France, qui doit développer et
libérer sa capacité créatrice. C’est le seul moyen pour la France de
retrouver une place forte en Europe.
Patrick Bonnier,
Président de l’Association des Spécialistes en Propriété Industrielle de
l’Industrie
Vincent Yquel, Camille Servan-Schreiber, Jeunes Actifs
de l’UMP – Atelier Europe